La pandémie a bouleversé nos vies. Elle nous a enlevé des êtres chers. Elle a modifié nos habitudes et nous a ouvert les yeux sur certaines réalités. Parmi celles-ci, un fléau mondial indigne de notre humanité : le travail forcé et le travail des enfants, qui contribuent à fournir aux consommateurs de pays riches, comme nous, une multitude de produits à bas prix.

Il n’y a rien de nouveau dans ces violations iniques des droits de la personne, qui touchent au bas mot 90 millions d’enfants et d’adultes partout dans le monde. Mais la pandémie les a remises à l’ordre du jour, car soudain, on a beaucoup parlé de nos chaînes d’approvisionnement perturbées.

La course aux équipements de protection a empiré l’exploitation des plus vulnérables. En octobre, les États-Unis ont saisi à leur frontière la cargaison de gants médicaux d’une entreprise malaisienne visée par des allégations de travail forcé – la quatrième entreprise malaisienne frappée d’une telle sanction en 15 mois. Le Canada a acheté et utilisé des millions de gants provenant de deux de ces fournisseurs entachés, Top Glove et Supermax. Pourtant, nous avons une loi en place depuis plus d’un an à la frontière pour interdire l’entrée de telles cargaisons.

Cela n’a rien d’exceptionnel : le travail forcé ou le travail des enfants (qu’on appelle parfois l’esclavage moderne) s’infiltrent depuis longtemps dans notre consommation de tous les jours. Une enquête-choc de la CBC vient d’ailleurs de révéler la provenance de produits à base de tomates Del Monte, Nestlé, Unilever et La Doria dans nos supermarchés – Loblaws et Walmart notamment. Ces tomates transformées par des intermédiaires proviennent de la région de Xinjiang, en Chine, et sont susceptibles d’être liées au travail forcé de la minorité ouïghoure dans les champs et les usines. Impossible de le savoir en lisant l’étiquette.

Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Selon les estimations de Vision mondiale, 10 % des importations canadiennes d’aliments sont susceptibles d’être liées au travail des enfants, particulièrement au Mexique.

Parmi les produits les plus visés : café, cacao, fruits de mer, huile de palme et canne à sucre.

Malheureusement, le Canada est demeuré immobile alors que des pays comme le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ont déjà adopté des lois pour obliger leurs entreprises à faire enquête et à faire rapport sur les risques de travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement.

Depuis 2018, le député John McKay et moi avons tenté à trois reprises de faire adopter des projets de loi sur l’esclavage moderne. Une version améliorée de cette initiative sera présentée au Sénat dès que les travaux reprendront. Il s’agit d’obliger les entreprises à la transparence dans leurs efforts pour éradiquer les risques de travail forcé et de travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Pour une première fois, le Parti libéral et le Parti conservateur ont promis d’agir contre le travail forcé dans leurs plus récentes plateformes électorales. La pression est de plus en plus forte et c’est tant mieux.

C’est ce qui nous donne un peu d’espoir que cette quatrième tentative d’adopter une loi sera la bonne.

Bien entendu, un tel projet de loi n’éliminera pas le travail forcé ou le travail des enfants, des problématiques complexes liées à la pauvreté, à l’insécurité et aux inégalités de genre. Mais c’est un premier pas essentiel pour obliger les grandes entreprises à assumer leurs responsabilités, ce que certaines font déjà… et d’autres non. C’est par ailleurs ce que les consommateurs réclament.

C’est aussi notre devoir de cohérence : il est temps que nos politiques publiques soient à la hauteur de nos prétentions et nos discours sur la scène internationale.

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