Annuellement, la Commission canadienne du lait (CCL) décide du prix du lait à la ferme pour l’année. La société de la Couronne a donc statué que pour 2022, le prix du lait payé aux producteurs augmentera de 6,31 $ l’hectolitre (ou 0,06 $ le litre), une hausse de 8,4 %, à compter du 1er février 2022. On assiste vraisemblablement à la plus importante hausse annoncée en plus de 50 ans.

Pour le beurre, il faudra s’attendre à une hausse de 12 %, probablement en raison du « Buttergate » qui a révélé la surutilisation de l’huile de palme par l’industrie. Les coûts et les prix du beurre exploseront. Autrement dit, au cours des prochains mois, nous devrons payer plus, beaucoup plus pour nos produits laitiers favoris.

La CCL constitue la pierre angulaire de la gestion de l’offre au Canada. Elle fixe les prix à la ferme afin de s’assurer que les producteurs reçoivent un prix raisonnable pour leur labeur.

En tant que producteur laitier au Canada, il s’avère donc pratiquement impossible de perdre de l’argent puisque chaque producteur reçoit toujours une compensation pour les augmentations de coûts créées par des sécheresses, inondations, pandémies et changements de tendance de la consommation.

La CCL doit publier annuellement sa décision sur les revenus des producteurs de lait au Canada avant le 1er novembre. Elle justifie l’augmentation cette fois-ci en ciblant des coûts énergétiques plus élevés, l’augmentation des salaires et du coût de la nourriture pour les vaches. L’ensemble de ces éléments se trouve directement ou indirectement lié à la pandémie.

Manque de transparence

Dédommager les producteurs fait partie de l’équation, puisque dans le cadre du programme de la gestion de l’offre, il faut le faire. Mais l’approche utilisée par la CCL pose problème à cause du manque cruel de transparence, malgré le fait que cet organisme appartienne à tous les citoyens canadiens. Cette société de la Couronne canadienne emploie plus de 70 personnes.

Dans son annonce, la CCL prétend avoir effectué une évaluation du prix du lait à la ferme du pays et de divers autres frais liés à la production et à l’administration du système de gestion de l’offre. Or, elle n’a pas encore rendu l’étude publique. Elle le fait toujours, mais ces rapports manquent souvent de détails importants. Par exemple, bien que l’on explique que l’échantillonnage comprend habituellement plus de 200 fermes, nous ignorons la méthode utilisée pour la collecte des données et l’existence ou non d’une vérification effectuée par une firme comptable compétente. Les données primaires qui proviennent directement des producteurs ne sont aucunement accessibles. Chaque année, ces études semblent s’effectuer à la hâte et tiennent sur environ six ou sept pages, tout au plus. Les rapports utilisent presque toujours les mêmes mots, seuls les chiffres diffèrent. L’approche nous apparaît franchement rudimentaire.

PHOTO MARTIN LEBLANC, ARCHIVES LA PRESSE

« La Commission canadienne du lait prétend avoir effectué une évaluation du prix du lait à la ferme au pays et de divers autres frais liés à la production et à l’administration du système de gestion de l’offre », écrit Sylvain Charlebois.

Peu de Canadiens connaissent l’existence même de la CCL, créée en 1967, même si ses décisions nous affectent pratiquement au quotidien. Son chef de la direction, Serge Riendeau, est un ancien producteur de lait ; son président, Bob Ingratta, a aussi des liens avec le secteur laitier. Jennifer Hayes, une nouvelle commissaire nommée depuis 2020, tout comme Riendeau, a participé activement à l’Union des producteurs agricoles du Québec et entretient aussi des liens privilégiés avec la production laitière. Ces trois forment le conseil d’administration de l’une des sociétés de la Couronne les plus obscures au pays.

Autrement dit, le manque de perspective, au-delà de la production laitière, demeure criant. Les consommateurs et les autres maillons de la chaîne ne se trouvent nullement représentés.

La CCL commence à porter attention à la transformation alimentaire. D’ailleurs, cette année elle donne droit à une clause qui permet d’augmenter le prix à la transformation de 5,4 %. Mais ce n’est rien pour aider les consommateurs, qui en arrachent ces temps-ci.

La décision de la CCL entraînera des conséquences sur nos portefeuilles. Pour les consommateurs québécois, le prix du lait, déjà réglementé dans la province, augmentera aussi à partir du 1er février. Les décisions de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ) se voient toujours lourdement influencées par la CCL. La RMAAQ rendra sa décision dans quelques semaines.

Toutefois, les consommateurs ont maintenant accès à une panoplie de choix au-delà de la protéine laitière. Plusieurs produits à base d’avoine, de soya ou d’amande s’offrent aux consommateurs. Avec les hausses de prix des produits laitiers qui s’en viennent, même le lait et les autres produits à base de lait de chèvre semblent de plus en plus intéressants.

En somme, avec une gestion de l’offre épaulée par une CCL sans transparence, nous nous occupons bien de nos producteurs laitiers tout en oubliant les consommateurs moins nantis. Ces derniers bouderont davantage nos bons produits laitiers, désormais perçus comme des produits de luxe. Afin d’obtenir plus de sympathie, la CCL devrait s’attarder à son problème de gouvernance tout en démontrant plus de transparence.

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