La rencontre des chefs d’États et de gouvernements sur le climat (COP26) qui se tient à Glasgow, en Écosse, se soldera par un autre échec. Il s’ajoutera aux échecs récents de Paris (2015), Katowice (2017) et Madrid (2019). Les engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2030 et 2050 seront ambitieux et grandiloquents, mais ne seront pas tenus. La raison : on vise la bonne politique par les mauvais moyens.

Au lieu de discuter d’un prix conséquent et généralisé sur les émissions de carbone, avec l’imposition de tarifs compensatoires pour les biens et services en provenance de pays récalcitrants, on préfère l’approche dirigiste des interdits moralisateurs toujours dans le sens du vent, donc soutenus par les manifestants présumément écologistes et environnementalistes.

C’est inefficace et ça ne règle rien, mais ça permet pour certains dirigeants d’être applaudis et de couper des rubans et pour les autres, d’éviter la malédiction de Juncker : « On sait ce qu’il faut faire, mais on ne sait pas comment être réélu si on le fait » 1. À ce titre, les manifestants pro-environnement devraient faire porter leur agressivité sur eux-mêmes ou leurs concitoyens plutôt que sur leurs dirigeants.

Il peut être utile de rappeler que l’analyse économique est un facteur important de protection de l’environnement. Ainsi, il est erroné et trompeur d’opposer environnement et économie. Les économistes sont à plusieurs égards d’ardents et crédibles défenseurs de l’environnement. En effet, l’économiste est d’abord et avant tout un spécialiste de l’efficacité des systèmes et des instruments, que ces systèmes et instruments portent sur la production, la consommation, les politiques publiques, les investissements ou encore la protection de l’environnement.

Dans le contexte de la protection de l’environnement, l’analyse économique veut que les problèmes liés à la protection de l’environnement proviennent de la non-existence de marchés pertinents, donnant lieu à une surexploitation par tout un chacun des ressources environnementales : la tragédie des communs. Le phénomène n’est pas nouveau et il ne se limite pas aux problèmes de l’environnement, et la théorie économique peut très bien expliquer la détérioration de l’environnement dans le contexte d’une absence de mécanismes de prix adéquats.

Il y a, depuis plus de 30 ans, un large consensus des économistes quant au meilleur outil à privilégier dans la lutte contre les gaz à effet de serre : un prix conséquent du carbone. En d’autres mots : une taxe carbone.

En corrigeant une défaillance de marché bien connue des économistes, une taxe carbone enverra un signal puissant de prix capable d’orienter les acteurs économiques, consommateurs, producteurs et investisseurs, vers un avenir sobre en carbone : innovation technologique, transition énergétique, développement des infrastructures, production et distribution de biens et services à faible émission de carbone.

La taxe carbone devrait augmenter chaque année pour favoriser un rythme soutenable d’ajustement de tous les acteurs, et ce, jusqu’à ce que les objectifs de réduction des émissions soient atteints. Les meilleures études disponibles suggèrent des augmentations annuelles de 5 % au-dessus de l’inflation passant de 200 $ par tonne de CO2 en 2022 à 375 $ par tonne en 2030. Avec une réévaluation en 2030 vers la carboneutralité en 2050.

Pour favoriser son acceptabilité sociale, cette taxe carbone devrait être fiscalement neutre : toutes les recettes fiscales de cette taxe devraient être redistribuées en parts égales aux citoyens, un puissant facteur de redistribution des revenus.

Nul besoin de définir un grand plan, composé de multiples réglementations et interdits moralisateurs. On utilise plutôt la force des marchés concurrentiels procroissance et pro-environnement pour modifier les comportements de tous et toutes.

Pour éviter les fuites carbone, protéger la compétitivité des pays et favoriser l’adhésion de tous les pays, un système d’ajustement carbone aux frontières devrait être mis en place.

Bien qu’il soit trop tard pour la COP26 de Glasgow, on peut espérer que la COP27 se consacrera à la détermination d’un prix global et généralisé du carbone, qui ne peut être fixé que par un consensus planétaire, sous la direction des grands pays et groupes : les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et autres. Même si les discussions seront ardues et exigeantes, il faut réaliser qu’un accord global, y compris sur les ajustements carbone aux frontières, sera plus facile à définir et à implanter qu’une multitude de plans nationaux unilatéraux. On peut espérer que les grands se mettront à l’écoute des économistes.

1 Jean-Claude Juncker, ancien premier ministre du Luxembourg et président de la Commission européenne, cité par The Economist (2007)

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