Ça nous fait plaisir d’accueillir de nouveaux voisins en leur apportant des bagels frais ou une caisse de bière, mais on ne leur achètera pas un nouveau jacuzzi.

C’est un peu comme ça que les contribuables montréalais se sentent par rapport aux Rays de Tampa Bay, l’équipe du baseball majeur. Ça a l’air d’une bonne équipe. On aimerait qu’elle vienne jouer à Montréal. Mais on ne la laissera pas puiser dans nos portefeuilles pour qu’elle se paie un stade flambant neuf.

Le premier problème est qu’il est insensé de construire un tout nouveau stade pour la moitié d’une saison de baseball. Ce qui est négocié en ce moment entre le propriétaire des Rays de Tampa Bay, Stuart Ternberg, et le milliardaire montréalais Stephen Bronfman impliquerait une entente de partage d’équipe. Si cela se réalise, les Rays joueraient la moitié de leur saison à Tampa Bay – vraisemblablement au Tropicana Field – et la moitié de la saison dans un nouveau stade près du centre-ville de Montréal.

PHOTO FOURNIE PAR LA FÉDÉRATION CANADIENNE DES CONTRIBUABLES

La Fédération canadienne des contribuables a payé un panneau publicitaire en Floride sur lequel on peut lire : « Chers Rays, Montréal ne paiera pas pour votre nouveau stade. »

Qu’une équipe joue dans une ville à temps partiel est certes inédit, mais construire un demi-stade est impossible. Ce n’est pas comme si vous pouviez tout bâtir jusqu’au deuxième but et vous arrêter là.

Et il s’agit d’infrastructures particulièrement coûteuses. Les trois stades des ligues majeures de baseball construits dans la dernière décennie ont coûté entre 800 millions et 1,5 milliard de dollars canadiens chacun. C’est beaucoup d’argent pour un lieu qui ne serait utilisé que pour 40 parties par année.

Puis, il y a toute la question des bénéfices économiques.

Même avec une équipe à temps plein, il n’y a pas de justification pour subventionner la construction de stades.

Pas d’impact économique positif démontrable

Les économistes se sont souvent penchés sur la question, analysant diverses structures de participation et de subvention. Les articles qu’ils ont écrits sont quasi unanimes : il n’existe aucune preuve formelle que subventionner la construction d’infrastructures de sport professionnel aurait un impact économique positif.

Lorsque l’on pose la question aux économistes au sommet de leur profession, notamment des gagnants du Nobel d’économie ou d’ex-conseillers de présidents américains des deux partis, seuls 4 % d’entre eux estiment que les contribuables peuvent avoir un retour sur investissement positif en subventionnant les stades d’équipes sportives.

Qu’en est-il du tourisme et des nouveaux emplois, dites-vous ? Une étude sur le stade de Camden Yards, à Baltimore, évalue le gain économique annuel net à 3 millions de dollars par an. Cela justifie difficilement les 225 millions de dollars que les contribuables y ont engouffré, et c’est avec une équipe à temps plein.

En bref, il n’existe pas de justification économique pour que le gouvernement y engouffre des centaines de millions de dollars de notre argent.

Mais il y a aussi une question de priorité.

Le gouvernement du Québec n’a pas d’enveloppe remplie avec quelques centaines de millions de dollars qui traîne quelque part dans une armoire. Le fardeau combiné de nos dettes provinciale et fédérale dépasse déjà les 50 000 $ par citoyen.

Et même si nous avions cet argent, bâtir un nouveau stade de baseball figurerait assez bas dans la liste des priorités, derrière la réfection de nos routes, le soutien de notre système de santé ou la diminution de ce qui demeure le fardeau fiscal le plus lourd en Amérique du Nord. Ça explique pourquoi, lorsque les contribuables ont été sondés sur cette question, 60 % d’entre eux s’opposaient à subventionner le retour du baseball à Montréal.

Si les Rays veulent venir jouer à Montréal, nous leur réserverons un accueil chaleureux. Ils doivent cependant comprendre que nous ne les laisserons pas puiser dans les portefeuilles des contribuables.

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