La composition du nouveau cabinet fédéral sera dévoilée en début de semaine prochaine. Les nouveaux ministres seront nommés par la gouverneure générale du Canada, Mary Simon, sur recommandation du premier ministre, Justin Trudeau. Si ce moment est très attendu par la classe politique, pour la majorité des Canadiens, il passera inaperçu. De fait, la plupart des ministres passent incognito une fois à l’extérieur de l’enceinte du parlement.

On peut donc se questionner sur l’importance stratégique de la sélection du nouveau cabinet Trudeau. La vérité est que le cabinet n’est plus aujourd’hui l’organe décisionnel qu’il était autrefois. Néanmoins, le cabinet continue à jouer un rôle prépondérant en termes de représentativité. Qui plus est, le choix des ministres revêt une importance particulière en contexte de gouvernement minoritaire.

L’affaiblissement du cabinet

Il y a plus d’un demi-siècle, le cabinet fédéral était au cœur du pouvoir à Ottawa. Il était constitué de ministres influents, choisis en fonction de leur capacité à servir de ponts entre Ottawa et les régions du Canada. Il n’était pas rare de voir un ministre passer toute sa carrière politique au sein d’un même ministère et développer une grande expertise dans son portefeuille. Toutes les décisions importantes pour le pays se prenaient collectivement au sein du cabinet ministériel.

Or, cette réalité a progressivement changé avec l’élargissement de l’État providence après la Seconde Guerre mondiale. Les programmes et les initiatives gouvernementales se multipliant, il est devenu difficile pour le cabinet fédéral de se pencher collectivement sur tous les enjeux nationaux. Pour résoudre ce problème, le système de comités du cabinet a été créé. Ce sont ces comités restreints qui se sont vu déléguer des responsabilités de développement et de coordination des politiques publiques.

De nos jours, ce n’est pas le cabinet ministériel dans son entièreté qui prend officieusement des décisions importantes, mais plutôt quelques comités clés du cabinet.

Le comité du cabinet chargé du programme gouvernemental, des résultats et des communications qui est présidé par le premier ministre lui-même et sous-présidé par son bras droit, Chrystia Freeland, est aujourd’hui le plus influent.

Le premier ministre garde la mainmise sur le système de comités du cabinet. En plus de choisir stratégiquement quels ministres siègent aux comités, il contrôle le travail de chaque comité grâce à l’aide du Bureau du premier ministre et du Bureau du Conseil privé qui agit comme son ministère personnel. Le système de comités du cabinet a contribué à centraliser le pouvoir entre les mains du premier ministre et affaiblit le cabinet en tant qu’entité de gouvernance.

L’impératif de la représentation

Si le cabinet fédéral joue un rôle, c’est en termes de représentativité de la société canadienne. La représentation régionale a depuis toujours été une préoccupation des premiers ministres pour la formation de leur cabinet. Même quand un gouvernement compte peu d’élus dans une région donnée, un premier ministre pourra considérer nommer un sénateur représentant une province particulière pour siéger au cabinet. En choisissant son prochain cabinet, Trudeau devra sélectionner plusieurs ministres des provinces de l’Ouest pour apaiser ces dernières qui ont fortement voté pour le Parti conservateur lors du dernier scrutin.

La représentation des genres dans le cabinet fédéral demeure, elle aussi, une des priorités des premiers ministres. Au cours des dernières décennies, les femmes ont été surreprésentées au cabinet par rapport à leur poids total au sein du Parlement. Les attentes de la population à cet égard se sont accrues. Lors de sa première élection à titre de premier ministre, Trudeau a nommé le premier cabinet paritaire au fédéral.

Depuis son entrée en politique, Trudeau s’est défini comme féministe. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait déjà confirmé que son prochain cabinet serait composé d’au moins 50 % de femmes.

Trudeau tentera aussi d’inclure dans son cabinet des représentants des communautés BIPOC et LGBTQ, ainsi que ceux des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cette recherche de la représentativité a de toute évidence des avantages, mais aussi des inconvénients. D’un côté, le gouvernement s’assure d’avoir une certaine légitimité auprès de la population qui se voit reflétée au sein des institutions gouvernementales tout en préservant l’unité nationale. D’un autre côté, la majorité des ministres, mise à part la garde rapprochée du premier ministre, ne sont pas choisis en fonction de leurs expertises et expériences. Au final, le cabinet donne l’illusion d’être puissant tandis que le pouvoir décisionnel réside ailleurs.

Gouvernement minoritaire

Dans un contexte de gouvernement minoritaire, le choix du Conseil des ministres devient certes plus complexe pour le premier ministre. Un gouvernement minoritaire signifie une députation gouvernementale réduite et donc moins de candidats potentiels pour occuper les postes de ministre. Par ailleurs, un gouvernement minoritaire doit pouvoir négocier avec certains partis de l’opposition pour faire avancer son ordre du jour législatif. Outre les considérations liées à la représentativité, Trudeau devra sélectionner des ministres compétents pour garantir le passage de ses projets de loi et s’assurer de remplir ses promesses électorales.

Si le choix d’un cabinet n’est pas forcément un exercice futile, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un exercice difficile !

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