La décentralisation des décisions en santé annoncée dans le discours d’ouverture est une excellente proposition du premier ministre Francois Legault. Vous voulez un bon exemple ? La construction du futur Centre hospitalier affilié universitaire (CHAU) à Gatineau, prévue pour 2030.

En tant que chef du service de chirurgie vasculaire du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), je peux vous dire qu’il ne faut surtout pas que la construction soit dictée par Québec. Seuls les acteurs locaux comprennent bien tous les enjeux liés à ce futur hôpital. À Québec, les fonctionnaires et décideurs peuvent difficilement comprendre que le futur CHAU doit devenir le plus important hôpital francophone du nord de l’Ontario, et pas seulement du Québec.

La place régionale de l’hôpital est vitale pour modifier le flux des travailleurs de la santé, qui est actuellement de Gatineau vers Ottawa.

Car quoi qu’on en dise, ce n’est pas juste une question de salaire qui explique ce transfert constant de nos ressources humaines. C’est surtout une question de fierté, d’excellence et de conditions de travail.

Le futur CHAU

Construisez un CHAU pour traiter la seule population locale et dans une vingtaine d’années, les problématiques actuelles seront pires que ce qu’elles sont actuellement. Mais construisez un CHAU avec une vision et vous aurez l’embarras du choix à l’embauche. Quelle est cette vision ?

1. Le CHAU doit offrir toutes les spécialités y compris la chirurgie cardiaque, le traitement des pathologies rétiniennes, la transplantation, etc.

2. Le CHAU doit devenir LE centre de soins tertiaires pour la population de l’Outaouais, mais aussi pour celle de l’Abitibi-Témiscamingue. D’ailleurs, par leur proximité, le Pontiac et le Témiscaminque étaient une seule circonscription fédérale il n’y a pas si longtemps. En fait, l’ouest du Québec devrait se renommer « la région Algonquine » et le CHAU pourrait être au centre de cette réunification.

3. Le CHAU devrait aussi abriter un institut d’évaluation des actes médicaux intrahospitaliers, qui utiliserait des données objectives et documentées pour évaluer la qualité des services et des soins offerts dans tous les hôpitaux du Québec. Cet institut – qui n’existe pas actuellement – servirait principalement à évaluer les données cliniques hospitalières, les données sur la sécurité des patients et sur l’innovation. À titre d’exemples, ces données incluraient les choix thérapeutiques, le coût des actes médicaux, les résultats attendus selon les meilleures normes scientifiques et bien d’autres aspects pertinents à l’amélioration des soins en Outaouais et dans tout le Québec. Ceci donnerait aux chercheurs de cet institut une capacité scientifique qui rayonnerait dans tous les milieux médicaux, y compris les revues médicales de pointe ; sa création deviendrait une fierté pour notre population vivant à l’ouest de la province.

Le français en Outaouais

Le déclin du français se vit des deux côtés de la rivière des Outaouais. En effet, une baisse importante du poids démographique de la population de langue française dans la partie québécoise de l’Outaouais est prévue par Statistique Canada. On estime que le français comme langue maternelle y passerait de près de 80 % en 2011 à moins de 70 % en 2036, un déclin de 10 % des locuteurs francophones ! Cette baisse se retrouverait aussi du côté de l’Ottawa francophone.

La question centrale devient donc : comment favoriser la migration des Ontariens francophones d’Ottawa vers Gatineau ?

La solution passe d’abord par l’indépendance complète de l’Ontario Health Insurance Plan (dit OHIP), c’est-à-dire l’indépendance par rapport aux soins de santé offerts en Ontario. Ceci injecterait au minimum 120 millions de dollars dans l’économie de Gatineau annuellement et permettrait, en particulier, le développement des programmes en santé de l’Université du Québec en Outaouais. Cela devrait aussi favoriser le développement de nos écoles et la baisse du décrochage des jeunes de l’Outaouais, une des pires au Québec.

Peu de gens savent que le futur CHAU sera affilié à l’Université McGill, dont le campus universitaire est 100 % francophone en Outaouais. Le prestige de cette université est reconnu mondialement et son vaste réseau de chercheurs permettra de diffuser efficacement la recherche clinique qui se fera au CHAU.

En somme, les propositions en santé contenues dans le discours du premier ministre impliquent une décentralisation majeure qui permettra aux acteurs impliqués dans les régions de se faire connaître et démontrer que leur vision en est une d’avenir.

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