Voilà plus d’une décennie que je travaille dans le milieu de la protection du consommateur. Au cours de ces années, j’ai pu constater que les nouveaux arrivants au Québec sont des cibles de choix pour les fraudeurs et les commerçants peu scrupuleux, en raison de leur méconnaissance de la langue, des coutumes et du contexte économique québécois.

À défaut d’être des consommateurs avertis, les nouveaux arrivants manifestent un enthousiasme débordant à s’intégrer à la société québécoise et au marché du travail. Jamais je n’ai rencontré des gens aussi motivés à trouver un emploi que dans les ateliers sur le droit de la consommation que j’ai animés auprès de groupes d’immigrants.

Sans surprise, lorsqu’ils apprennent que la connaissance de l’anglais est un atout sur le marché du travail québécois, beaucoup d’entre eux cherchent à améliorer leur maîtrise de cette langue. Pour ce faire, ils s’inscrivent le plus souvent à des cours de conversation anglaise offerts par des écoles privées, qui s’annoncent stratégiquement dans les stations de métro ou sur l’internet.

Le contrat d’adhésion à ces écoles prévoit habituellement que le consommateur paiera un montant mensuel, pendant cinq ans, pour obtenir un accès illimité à des cours de conversation anglaise. Lors de la signature du contrat, bien des nouveaux arrivants sont sous l’impression que cette formule flexible leur permettra d’apprendre à leur rythme et qu’ils pourront mettre fin à leur inscription quand bon leur semble.

Bien sûr, il n’en est rien.

Au fil des ans, ces consommateurs m’ont rapporté nombre de récriminations à l’égard des écoles de langues. Des professeurs absents. Des locaux non chauffés. Des résultats décevants. Insatisfaits de la qualité des cours offerts, ils demandent alors l’annulation de leur inscription.

Mauvaise surprise : même s’ils n’ont assisté qu’à quelques séances de cours, l’école exige le versement de pénalités pouvant s’élever à plusieurs milliers de dollars. S’ils refusent de payer, on les menace d’entacher leur dossier de crédit, de transférer leur créance à une agence de recouvrement, et même de les poursuivre devant les tribunaux. Tout un cadeau de bienvenue au Québec !

Pourtant, les contrats conclus avec des écoles de langues sont encadrés par la Loi sur la protection du consommateur. La loi prévoit qu’un consommateur peut y mettre fin en tout temps, en payant uniquement le montant des séances de cours suivies et une pénalité maximale de 50 $. Mais grâce à des entourloupettes juridiques, ces commerçants parviennent à soutirer le prix fort à leurs clients déserteurs, par exemple en inscrivant dans leurs contrats un montant élevé pour chaque séance de cours.

Plusieurs consommateurs ont tenté de contester les sommes qu’on leur réclamait devant les tribunaux. Souvent, les juges leur ont donné tort.

Dans une affaire, le tribunal a estimé qu’un consommateur immigrant, qui connaissait mal le français parlé au Québec et qui n’avait pas compris le contenu de son contrat, avait été « aveuglément négligent ». Bien qu’il n’ait pas assisté à une seule séance de cours, le tribunal a refusé de lui accorder le remboursement de la somme de 3200 $ qu’il avait dû payer à l’école.

Après une décennie, j’en ai assez de voir des consommateurs vulnérables se buter à une loi qui ne les protège pas. J’avais espoir que le projet de loi 96, qui s’intéresse pourtant à l’intégration linguistique des immigrants, glisse au passage un article pour colmater cette brèche. Il suffirait pourtant de si peu de chose, simplement de modifier quelques mots dans la Loi sur la protection du consommateur, pour y parvenir.

Il n’est pas trop tard pour agir.

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