Dans le contexte du débat actuel sur la défense et de la promotion du français au Québec et au Canada, il est salutaire de rappeler les graves inégalités d’accès à la justice en Ontario en français : attentes plus longues, coûts additionnels, transcriptions inexactes, manque de juges bilingues, jugements contraires teintés de racisme. Les avocats de la partie adverse peuvent même impunément s’opposer à ce que les justiciables francophones exercent leur droit au français ou attaquer leur crédibilité s’ils insistent pour l’exercer. Ces difficultés ont été abondamment documentées depuis des décennies, mais la situation ne s’améliore pas, elle s’empire, en grande partie à cause de l’inaction et de la résistance au français au sein du Barreau de l’Ontario.

Or, en somme, le Barreau de l’Ontario fonctionne entièrement en anglais. D’après le Répertoire du Barreau, ni la Trésorière actuelle (ou Bâtonnière dans la terminologie québécoise), ni les hauts cadres du Barreau, dont la directrice générale et le directeur administratif, réglementation professionnelle, ne pratiquent le droit dans les deux langues. C’est le cas aussi des Trésoriers qui l’ont précédée depuis 1997 et sans doute ceux d’avant. Vous pouvez écrire au Barreau et recevoir une réponse en français, mais il est peu probable que votre texte ait été lu en français par la personne qui vous répond. Une culture de traduction sert à dissimuler le non-engagement du Barreau envers les justiciables francophones.

La résistance au français paraît s’affirmer comme en témoignent la suppression du comité des langues officielles, l’absence de sièges francophones désignés au Conseil du Barreau, et la façon dont le vote en région est organisé, qui rend très difficile l’élection de conseillers francophones, même dans des régions à forte population francophone.

D’après la loi qui l’a constitué, le Barreau a pourtant une obligation légale de « faire avancer la cause de la justice et la primauté du droit », « d’agir de façon à faciliter l’accès à la justice pour la population ontarienne » et « de protéger l’intérêt public ». On peut cependant se demander si, aux yeux du Barreau, les francophones font partie de la population ontarienne et si leurs besoins linguistiques font partie de l’intérêt public. À preuve, le Barreau n’exige aucune formation obligatoire en droits linguistiques en vue des examens du Barreau. Il n’exige aucune formation professionnelle continue en droits linguistiques et n’exige pas non plus que toutes les facultés de droit en Ontario offrent une formation obligatoire en droits linguistiques.

Pour redresser la situation des avocats et des futurs juges offrant des services en français sans avoir les compétences linguistiques nécessaires, le Barreau ne prévoit aucun système d’accréditation linguistique obligatoire et ne demande pas aux facultés de droit dans la province d’exiger de leurs étudiant(e)s une connaissance du français. Le Barreau n’assure pas non plus que ses représentant(e)s au sein de comités consultatifs importants, notamment au sujet de la nomination des juges, soutiennent des candidatures bilingues et l’importance du français.

Il est temps de mettre en lumière ce travail contre le français qui s’effectue dans les coulisses mêmes d’une de nos plus respectables institutions juridiques et qui sape les efforts de bonne entente et de paix linguistique.

Le Barreau de l’Ontario a une grande responsabilité comme garant déontologique de ses membres. Il se doit de respecter les langues officielles canadiennes et non seulement d’informer ses gens de robe de leurs devoirs envers le français, mais aussi de les obliger à les remplir. Le Barreau de l’Ontario ne peut se permettre de contribuer par son refus du français aux vexations et aux humiliations systématiques des justiciables ontariens francophones.

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