En réponse au texte de Félix Mathieu, « De l’influence des lobbys en politique canadienne », publié le 9 septembre

Dans sa lettre ouverte publiée le 9 septembre1, Félix Mathieu, professeur de science politique de l’Université de Winnipeg, tente très maladroitement de souligner que les lobbys n’ont pas, dans le système parlementaire canadien, le poids qu’ils ont dans le système politique des États-Unis.

M. Mathieu en profite pour imposer une définition extrêmement péjorative du lobbyisme, qui nous semble une insulte pour les quelques centaines de professionnels qualifiés et inscrits aux registres publics qui effectuent un travail essentiel au fonctionnement de la démocratie moderne. Il nous apparaît important de rectifier le tir en regard de ce texte dont le propos colporte des lieux communs populistes et cyniques à l’égard de la profession de lobbyiste.

Le professeur affirme que « le lobbyisme renvoie plutôt à un comportement hautement stratégique dans le seul but de faire avancer, en coulisses, certains intérêts privés, et ce, souvent au détriment du bien public ».

Nous croyons fermement qu’une démocratie en santé en est une qui permet aux acteurs de la société de s’exprimer et d’être entendus par les dirigeants qui doivent avoir un maximum d’informations pour prendre des décisions éclairées.

Nous invitons M. Mathieu à consulter la vidéo du Commissaire au lobbyisme du Québec2 qui abonde dans le même sens.

Le professeur ne s’arrête pas là. Il poursuit en affirmant que « les lobbyistes ne participent pas au débat public ; ils cherchent à le contourner ». Au contraire, les communications d’influence auprès des titulaires de charges publiques sont encadrées par un processus rigoureux, tant par le Commissaire au lobbyisme du Québec que par le Commissariat au lobbying du Canada, par le truchement respectif des registres des lobbyistes. Bien au contraire, les registres sont par définition accessibles au public, et le citoyen peut facilement aller s’y informer des activités d’influence auprès des décideurs en cours, et ainsi participer au débat public. On omet ici la nature et le rôle des institutions d’encadrement des pratiques de lobbyisme au Québec et au Canada.

M. Mathieu en ajoute une couche en soulevant que « dès lors, à moins d’avoir accès au premier ministre ou à sa garde rapprochée, ce qui est le cas d’un très petit nombre de gens, le jeu n’en vaut tout simplement pas la chandelle ». C’est bien mal connaître le travail des lobbyistes qui contribuent justement à l’avancement de causes et d’enjeux qui sont légitimes dans notre société. Près de nous, on n’a qu’à penser à l’octroi de plus de 800 millions de dollars du gouvernement du Québec à l’industrie du taxi en compensation pour la perte de valeur des permis avec l’arrivée d’Uber, ou encore l’instauration d’un programme spécial de soutien financier pour les parents d’enfants lourdement handicapés.

En somme, nous nous attendons à bien plus de l’élite universitaire, qui devrait éviter de tomber dans le sensationnalisme et la romance que l’on retrouve dans certaines séries américaines… Il importe de réfléchir à l’importance du rôle que jouent les lobbyistes dans une prise de décision éclairée du gouvernement et du législateur. Le tout dans le contexte de règles parmi les plus rigoureuses, garantes d’un gouvernement imputable, ouvert et transparent.

1 Lisez le texte de Félix Mathieu 2 Visionnez la vidéo du Commissaire au lobbyisme du Québec Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion