L’autrice réagit à l’intervention de l’essayiste Michel Seymour dans le texte de Nicolas Bérubé, « Comment le 11-Septembre a changé le Québec », publié le 7 septembre. 1

Dans l’article de Nicolas Bérubé « Comment le 11-Septembre a changé le Québec », paru dans La Presse le 7 septembre, le journaliste invite Michel Seymour à exposer son point de vue sur cette question.

Seymour dira que depuis les attaques terroristes du 11-Septembre, « il y a eu une montée internationale de l’islamophobie et que chez certains intellectuels français et québécois, on a commencée à sentir une sorte de psychose de l’envahissement de l’islam politique, qui curieusement n’arrive pas ».

Il ajoutera que c’est dans ce contexte que le projet de charte des valeurs et la loi 21 sont apparus. Non pas que ceux-ci soient islamophobes, précise Seymour, mais que l’argumentaire développé par Djemila Benhabib disant que l’islam politique allait s’installer au Québec et par Fatima Houda-Pepin, qui soutenait que toutes les mosquées du Québec étaient subventionnées par l’Arabie saoudite et qu’on y enseignait le salafisme, avait une teneur islamophobe et contribuait à l’apparition de groupuscules d’extrême droite au Québec. Bref, Michel Seymour laisse entendre que cette peur de l’islam politique n’est pas fondée et que ceux qui l’alimentent sont islamophobes.

Alors que vient de s’ouvrir en France le procès des attentats de Paris de novembre 2015, qui ont fait plus d’une centaine de victimes, et où le témoin principal, Salah Abdeslam, s’est présenté comme un combattant de l’État islamique et alors que nous venons de commémorer les 20 ans des attaques du 11-Septembre perpétrées par 19 djihadistes d’Al-Qaïda qui ont fait presque 3000 victimes, ces propos de Seymour ont de quoi faire bondir.

L’islam politique en France

Dans la foulée de la commission Stasi (2003), Jean-Pierre Obin, alors inspecteur général à l’Éducation nationale, s’est vu chargé d’une mission ayant pour but de dresser un état des lieux sur l’islamisation à l’école. Son équipe a visité 61 collèges et lycées publics, rencontrant la direction, des enseignants ainsi que des responsables de la vie scolaire. Elle constate qu’une montée en puissance du phénomène religieux dans les quartiers, notamment chez les jeunes, a un réel impact sur l’école, citant les tenues vestimentaires exprimant une identité religieuse, l’exigence de viande halal à la cantine, le prosélytisme en période de ramadan, le refus de la mixité et la contestation de certains enseignements.

En 2020, dans son livre Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école, Obin reviendra sur le sujet, notant une progression depuis 2004, alors qu’à travers les parents, même l’école primaire est maintenant touchée par de multiples atteintes à la laïcité.

En 2015, Gilles Kepel, spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain, publie Terreur dans l’Hexagone dans lequel il fait la genèse du djihad français de 2005 à 2015. Il y dénonce la radicalisation islamique et affirme que « l’exacerbation identitaire de la norme salafiste importée d’Arabie saoudite et exprimée dans le comportement et la consommation constitue un modèle de rupture avec les valeurs de la société mécréante ». Pour Kepel, cette rupture salafiste est en arrière-plan des actes de terrorisme.

En 2019, les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot publient Qatar Papers ou comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe, un livre qui documente minutieusement le prosélytisme religieux du Qatar en dehors de ses frontières. Des révélations chocs, à la suite d’une masse importante de documents coulés par un lanceur d’alerte et qui montrent comment, à travers l’ONG Qatar Charity, le Qatar finance de nombreuses associations proches des Frères musulmans.

Les pays européens les plus ciblés par ces investissements religieux sont : l’Italie (47 projets), la France (22), l’Espagne et la Grande-Bretagne (11 chacune), l’Allemagne, la Pologne et l’Ukraine (6 chacune), la Suisse (5), la Belgique (3) et les Pays-Bas (2). Et le Canada n’est pas en reste avec 8 centres islamiques construits par Qatar Charity.

En 2020 paraît le livre Les territoires conquis de l’islamisme sous la direction de Bernard Rougier, universitaire et directeur du Centre des études arabes et orientales, dans lequel on y décrit tout l’écosystème des réseaux islamiques au sein des quartiers populaires en montrant « comment se fait le maillage des lieux de culte à ceux de loisir et d’activités professionnelles pour en arriver à la constitution de territoires de l’islam en rupture d’avec la société française ».

L’islam politique au Canada

En 2007 paraissait le livre Montréalistan – Enquête sur la mouvance islamiste du journaliste Fabrice de Pierrebourg. On y apprenait que depuis le 11 septembre 2001, le Canada, et Montréal en particulier, s’est retrouvé au centre de plusieurs enquêtes internationales sur le terrorisme. On y retrouve également les noms de plusieurs imams salafistes ou fréristes qui ont fait les manchettes à cette époque et qui prêchaient en faveur de la charia dans des mosquées qui ont pignon sur rue à Montréal. Pensons à Salam Elmenyawi, qui souhaitait instaurer un Conseil de la charia au Québec alors qu’en Ontario, en 2004, on a tenté d’instaurer des tribunaux islamiques.

En 2015 est publié Djihad.ca de Fabrice de Pierrebourg avec Vincent Larouche. Se basant sur de nombreux témoignages ainsi que des documents d’enquête de la GRC, ces journalistes exposent des individus qui, par leur propagande et leur action, constituent une menace pour notre démocratie et notre sécurité nationale.

On y apprend, par exemple, que le gouvernement canadien avait la preuve qu’entre 2005 et 2009, l’IRFAN, organisation établie à Mississauga, en Ontario, a transféré 14,6 millions de dollars à des organisations associées avec le groupe terroriste Hamas.

Qui a peur de l’islam politique ?

Le peuple ? L’extrême droite ? Détrompez-vous, ce sont les universitaires qui préfèrent ne pas enquêter sur ce sujet. Doit-on s’étonner que dans ce pays où l’on brûle les livres, les travaux d’intellectuels et d’universitaires sur l’islam politique soient inexistants. La montée en puissance de l’islam politique est un phénomène mondial qui n’épargne ni le Québec ni le Canada. Soutenir le contraire, comme le fait Michel Seymour, revient à faire preuve d’aveuglement et d’irresponsabilité.

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