Il est anachronique qu’on nous interdise encore en 2021 de mourir quand nous le souhaitons. L’État usurpe nos corps en présumant qu’ils relèvent de lui, car chacun est l’unique titulaire du sien et devrait pouvoir en disposer à sa guise.

Forcer quelqu’un à vivre malgré lui contredit d’ailleurs la Cour suprême qui affirme que nous avons tous droit à la vie, mais ne sommes pas obligés de vivre. Et c’est parce qu’on a décrété que la résolution de l’individu qui tient à partir l’emporte sur celle de l’État de le retenir que la tentative de suicide n’est plus un crime. Il est donc grand temps de légaliser l’assistance et l’accompagnement (bien sûr désintéressés) pour franchir cette ultime étape.

Au Canada, on accorde l’aide médicale à mourir (AMM) si le demandeur a la capacité de prendre cette décision en toute connaissance de cause, ce qui est normal, sauf qu’il doit être atteint d’une maladie incurable et subir des douleurs constantes atroces.

C’est cruel d’en exiger autant, voire absurde d’imposer des règles pour mourir alors qu’il n’y en a aucune pour naître.

Les autres personnes qui réclament l’AMM ne sont pas toutes atteintes de troubles mentaux, puisqu’il existe une lassitude chronique qui n’a rien de pathologique et signifie, pour qui l’endure, que son heure a sonné. La science prolonge sans cesse nos vies et du coup l’agonie chez ceux qui n’ont plus envie de continuer ; or pour compenser ces années ajoutées de plus ou moins plein gré, il faut permettre à qui juge son destin accompli d’expirer en douceur, en se limitant à évaluer sa lucidité et lui prescrire la posologie létale appropriée.

Quoique la plupart préfèrent attendre qu’une maladie les emporte, certains désirent simplement qu’on respecte leur choix de fixer eux-mêmes le moment du départ.

Il est vrai qu’on peut soi-même se donner la mort, mais par des méthodes approximatives qui risquent d’échouer et de causer des séquelles graves. Malgré les programmes de prévention, en moyenne dix personnes par jour au Québec tentent de se suicider et trois y parviennent. Le sort de ces gens est affreux étant donné qu’on pourrait alléger bien des peines si l’État accueillait leur volonté au lieu de la rejeter sur-le-champ. Il est ici crucial de distinguer celles ayant l’intention durable de s’en aller à la suite d’une démarche mûrement réfléchie de celles qui veulent passer à l’acte à cause d’une crise passagère, par manque de soins, etc. Ces dernières requièrent évidemment tout le soutien possible pour ne pas agir de manière impulsive et irréfléchie.

J’ai pour ma part apprécié mon séjour ici-bas, toutefois je me sens désormais prisonnier d’une sorte de concours de longévité que seuls des experts peuvent m’autoriser à quitter. Qui mieux que moi pourtant connaît le seuil au-delà duquel je trouve ma souffrance intolérable ? Élargissons donc cette option comme en Suisse où quiconque apte à raisonner peut en bénéficier, nonobstant son état de santé et sans devoir se justifier. Ce sont des organismes sans but lucratif là-bas qui s’en chargent et j’espère vivement qu’un jour, assisté de professionnels et entouré de mes proches avertis, je puisse ainsi trépasser. Le Québec est depuis le début de ce débat un des États les plus avancés et j’espère de tout cœur qu’il saura le rester.

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