En réponse au texte de Frankie Bernèche sur la violence envers les femmes, « De la nécessité d’aborder l’enjeu d’un point de vue psychologique »*, publié le 14 août

Quoique certains éléments du texte publié par La Presse le 14 août apparaissent logiques et réconfortants, le raisonnement sous-jacent m’apparaît une pente glissante pour pouvoir aborder la problématique des violences faites aux femmes.

Aborder la question de la violence conjugale d’un point de vue sociétal est primordial et nécessaire. Non seulement cela permet de s’y intéresser, de faire de la recherche sur les facteurs de risque et, évidemment le plus important, d'agir.

Parce que je n’en peux plus de lire sur l'énième féminicide et parce que j’aimerais que nos décideurs soient tout aussi écœurés.

Sous-entendre qu’une telle analyse, sociétale, vient ébranler les relations hommes-femmes saines est pervers. La masculinité nécessaire en 2021 ne peut pas s’offusquer d’une telle discussion, sinon c’est qu’elle se sent menacée, et pourquoi ?

Faire une analyse sociétale de la violence faite aux femmes n’implique pas de rendre un verdict de chaque couple et chaque homme, mais plutôt de se donner les moyens de sauver des femmes.

L’Office des Nations unies contre les drogues et le crime a publié un rapport très complet sur les féminicides en 2018 (Global Study on Homicide : Gender-related killing of women and girls). On peut y lire que malgré le fait que les féminicides soient malheureusement répandus dans tous les pays et toutes les strates de la société, il y a certains facteurs prédisposants qui entrent en ligne de compte.

Par exemple, les hommes qui ont une vue plus conservatrice des rôles de genre et de la masculinité, comme de penser que les hommes ont besoin de davantage de sexe que les femmes ou que les hommes devraient dominer les femmes, particulièrement sexuellement, sont plus à risque d’utiliser la violence envers leur partenaire. L’organisme WHO rapporte également que les hommes ayant une éducation limitée, une histoire de maltraitance à l’enfance, une exposition à de la violence conjugale envers leur mère, un usage dangereux de l’alcool, des normes de genre inéquitables, une attitude qui normalise l’usage de la violence et un sentiment de possession de la femme sont plus à risque de perpétrer des violences envers les femmes.

Bref, résumer que les hommes qui commettent ces violences, ces homicides, le font car ils sont tous psychologiquement anormaux et troublés par une enfance difficile est un peu simpliste.

La volonté de contrôle de ces hommes et leur vision inégale des genres sont majeures. Nier le rôle sociétal que nous pouvons avoir sur cela est une erreur.

Nous devons faire davantage pour prévenir. Mieux éduquer nos jeunes sur l’équité des genres. En faire plus pour avoir une offre de divertissement radiophonique, télévisé et numérique qui n’envoie pas le message absolument inverse. Être une société réellement équitable. Le Canada est actuellement 19e dans le monde selon le rapport Global Gender Gap Index de 2020, nous avons reculé de 3 positions par rapport à 2018. Une femme gagne actuellement 0,89 $ pour chaque dollar gagné par un homme, selon Statistique Canada, ce qui nous classe en 49e position (Wage equality for similar work). On est bien au Canada, on en convient, mais on peut faire mieux.

Nous devons faire davantage pour mieux intervenir. Nous avons déjà un groupe d’experts qui a publié un superbe rapport, nommé Rebâtir la confiance, qui a émis 190 recommandations pour notre Assemblée nationale. Avec hésitation, on s’en souviendra, la CAQ a accepté de mettre en place ces recommandations, mais sans aucun échéancier.

Nous devons, comme société, faire mieux pour combattre la violence faite aux femmes, maintenant.

* (Re)lisez « De la nécessité d’aborder l’enjeu d’un point de vue psychologique » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion