Le dimanche, on se levait plus tard. Pourquoi se presser ?

On s’habillait « propre » pour la messe. Pour les enfants, c’était une heure particulièrement ennuyeuse. Mais, pour ma part, je ne détestais pas cette odeur d’encens et ces contes bibliques. Et puis, l’hiver, je pouvais me coller sur le manteau de fourrure de ma mère. Autrement, ces moments d’affection étaient rares.

Tout était au ralenti. Chacun dans ses pensées.

Nous nous rendions ensuite chez mes grands-parents paternels pour le dîner. Ça parlait des dernières nouvelles de la paroisse, du « p’tit Lessard » (le médecin de famille), des dernières nominations de juges (tous les hommes de la famille, ou presque, étaient avocats). Nous jouions dans le sous-sol.

À midi pile, grand-père allumait la radio : c’était l’heure des nouvelles. « Voici le signal horaire du Conseil national de la recherche du Canada. » Silence !

Puis il se mettait à la découpe du poulet ou du rôti de bœuf, travaillant avec la minutie d’un horloger. Ma grand-mère faisait une cuisine simple, délicieuse, chaleureuse.

***

Depuis quelques mois, certains commerces militent pour pouvoir fermer le dimanche. La pénurie de main-d’œuvre rend difficile le maintien du service sept jours par semaine. Le gouvernement Legault a toutefois rejeté la demande des quincailleries qui auraient voulu qu’on impose à tous les commerces de ce type de fermer leurs portes le dimanche, question de placer tout le monde sur le même pied.

Assistera-t-on à une reprise du débat sur l’ouverture des commerces le dimanche, débat qui avait passionné le Québec en 1990, puis en 1992, malgré la crise constitutionnelle qui sévissait alors ? Ça ne serait pas mauvais.

Il ne fait pas de doute que pour beaucoup de gens, l’ouverture des commerces le dimanche a rendu la vie plus simple. Mais il est aussi indéniable que nous avons perdu quelque chose.

Une journée par semaine moins frénétique. Une journée où un peu de temps est consacré à la réflexion. Une journée où la vie de famille est autre chose qu’une course entre l’aréna, l’épicerie et quelque entrepôt.

Il y a 30 ans, une pétition signée par des dizaines de milliers de personnes avait été acheminée à l’Assemblée nationale, afin « d’empêcher la commercialisation du dimanche et de préserver la qualité de vie au Québec ».

La députée de Taillon, Pauline Marois, avait soutenu que ce débat était une question « d’éthique, de valeurs, un débat de société. […] Il y a, effectivement, des besoins de production, des besoins de consommation. Mais il y a aussi des besoins de loisirs, des besoins de communication, des besoins d’échanges. Je ne pense pas que ce soit quétaine de parler de ça. Autrement dit, se préoccuper non seulement de l’avoir, mais s’occuper de l’être […] »

Le ministre qui pilotait l’ouverture des commerces le dimanche, Gérald Tremblay, s’était fait remettre sur le nez une déclaration antérieure : « Le peu de temps que j’ai, je le réserve à mon épouse et mes enfants. Ces moments d’intensité, je ne les passe certainement pas à magasiner le dimanche dans les marchés publics. »

Ne serait-il pas pertinent de reprendre cette discussion, forts de l’expérience des 30 dernières années ?

Le monde a changé

Bien sûr, on ne reviendra jamais au dimanche d’antan, le monde a tellement changé ! Ne serait-ce que l’omniprésence des téléphones dits « intelligents », qui rendent impossible toute tranquillité réelle. Tout de même, si les commerces non essentiels, petits et grands, étaient fermés le dimanche, le niveau de stress collectif, en particulier celui des petits commerçants et des employés, ne baisserait-il pas de quelques crans ?

Il est vrai que cela présenterait des inconvénients pour la plupart des ménages où les deux parents travaillent. Il faudrait aussi définir ce qui est un commerce essentiel, ce qui n’est pas nécessairement facile, comme l’a démontré la pandémie. Et puis la fermeture des commerces n’empêcherait pas certains employeurs d’exiger que leurs employés et cadres soient toujours au bout de leur iPhone ou du Zoom, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

Cependant, on pourrait aussi voir dans une telle mesure un rééquilibrage entre la vie professionnelle et consommatrice et la vie personnelle, un nouvel équilibre dont la pandémie est venue souligner la nécessité.

Faut-il fermer certains commerces le dimanche ? Cela doit-il nécessairement passer par une intervention gouvernementale ? En tout cas, la discussion devrait avoir lieu. Sans quoi on pourra conclure que, pour les Québécois, le dimanche est bel et bien devenu une journée comme les autres. À mes yeux nostalgiques, ce serait une triste chose.

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