En complément au dossier de Marie-Claude Malboeuf sur l’accès aux données de recherche, « Données sous haute sécurité » 1, publié le 18 juillet

Nous avons lu avec intérêt le dossier sur l’accès aux données de recherche de la journaliste Marie-Claude Malboeuf paru dans La Presse le 18 juillet. Au nom de la direction du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales (CIQSS) où est hébergé le CADRISQ de l’Université de Montréal dont il est fait mention dans l’article, il nous semble important de donner un peu plus de contexte à certains éléments mentionnés dans l’article.

L’approche par centre de données de recherche

L’approche de l’accès aux données dans des laboratoires sécurisés y est critiquée par certains sans que soit apporté suffisamment de nuances. Or, il s’agit d’une approche éprouvée pour préserver la confidentialité des renseignements personnels, au Québec comme au Canada et ailleurs. Au Canada, l’accès aux données confidentielles de Statistique Canada se fait au sein des laboratoires du Réseau canadien des Centres de données de recherche (RCCDR) depuis plus de 20 ans, dont les cinq laboratoires du CIQSS. C’est aussi l’approche utilisée aux États-Unis dans un réseau de Research Data Centers. Ces laboratoires opèrent avec des règles et des niveaux de sécurité comparables à ceux du CADRISQ. Le Québec n’est donc pas une figure d’exception dans sa manière de gérer l’accès pour des fins de recherche à des données confidentielles.

Préservation de la confidentialité et facilité d’accès aux données

Certains universitaires critiquent l’approche d’accès en laboratoire et préféreraient avoir les données dans leurs laboratoires de recherche ou sur leurs équipements personnels. Certains se rappellent avec nostalgie le temps où ils avaient des accès privilégiés à des données confidentielles sur leur ordinateur personnel.

Dans le contexte actuel, est-il réaliste de penser que les contribuables québécois dont les données sont utilisées seraient d’accord avec cet ancien modèle ? Nous pensons que non, et privilégions un accès démocratique et sécurisé aux données.

La recherche en laboratoire demande certes une adaptation, mais cette approche a l’avantage de favoriser la reproductibilité des résultats, un critère de plus en plus important en recherche.

L’article mentionne le modèle ontarien de l’ICES (repris dans l’éditorial de Philippe Mercure2) comme un modèle duquel s’inspirer. Or, le modèle de l’ICES est très coûteux, et on pourrait argumenter que l’accès y est encore plus difficile, car il faut devenir membre de l’ICES pour avoir accès aux données ou payer à la pièce pour faire faire ses analyses par du personnel de l’ICES. Les données de l’Ontario sont disponibles au sein du RCCDR, y compris dans les cinq laboratoires universitaires du CIQSS.

Délais d’accès

L’article présente à juste titre certaines limites du modèle québécois des CADRISQ, notamment concernant les délais d’accès. Les délais entre les demandes d’accès et l’accès aux données ont été historiquement (très) longs. Il reste à voir si ces délais seront améliorés avec les changements législatifs récents qui balisent le rôle de la Commission d’accès à l’information.

Nous saluons les efforts récents pour faire en sorte que la communauté de recherche du Québec ait un accès amélioré aux données administratives en santé et aussi dans d’autres domaines. Mais une meilleure collaboration entre l’ISQ et Statistique Canada procurerait des bénéfices encore plus grands. Le gouvernement du Québec devrait aller plus loin et mettre en place des conditions permettant que les données administratives provenant du Québec soient ajoutées à celles des autres provinces et territoires dans les ensembles de données créés par Statistique Canada (et rendus disponibles dans le RCCDR). Cela permettrait de mieux soutenir la communauté de recherche québécoise dans la réalisation d’analyses comparatives interprovinciales.

* Benoit Dostie est professeur au département d’économie appliquée à HEC Montréal ; Catherine Haeck est professeure au département de sciences économiques de l’UQAM ; Carole Vincent est directrice générale du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales

1. (Re)lisez le dossier de Marie-Claude Malboeuf 2. (Re)lisez « Aller à la guerre les yeux ouverts » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion