La vaccination va très bien et la lumière commence à se pointer au bout du tunnel. Mais après le déconfinement, il restera les traces laissées par le virus dans nos corps dont il faudra se débarrasser tranquillement, comme un crustacé mue pour mieux renaître et grandir.

Avant de prendre ma pause estivale de ces pages, je voudrais vous souhaiter d’avoir la résilience du roseau qui encaisse le coup de vent et accepte de se déformer avant de revenir rapidement à la verticale. En fait, pour celui qui veut comprendre comment surmonter les chocs traumatiques, les plantes chlorophylliennes sont le modèle à imiter.

Pourquoi ne pas aller dans les parcs et dans les forêts humer les odeurs, toucher la terre, entrer dans l’eau et laisser les plantes vous donner des cours d’été d’école buissonnière ? Ce n’est pas déconseillé de faire l’école buissonnière en temps de pandémie. Il y a une théorie qui raconte que le concept d’école buissonnière aurait vu le jour en Italie, en 1423, lors d’une pandémie. À ce moment-là, une importante rencontre cléricale, un concile, est organisée dans la ville de Pavie. Mais les dignitaires religieux, craignant la peste qui sévissait dans la cité, choisirent de rester dans les forêts environnantes plutôt que de se rendre dans la ville. C’est donc dans ces sous-bois que se déroula cette école d’été.

En plus de nous protéger, de nourrir, de soigner et de fournir l’oxygène que nous respirons, les plantes seraient aussi de bons professeurs pour enseigner aux êtres fragiles que nous sommes comment trouver le chemin de la résilience. Nous avons beaucoup plus de points faibles que les végétaux quand une certaine détresse menace notre survie.

Force de résistance

Le premier handicap humain qui fait rire les plantes est un défaut de fabrication que nous partageons avec les autres mammifères, comme aime bien le rappeler le biologiste végétaliste italien Stefano Mancuso. Je parle ici de cette compartimentation de notre corps en organes dont certains sont vitaux. Il suffit par exemple de percer le cœur de quelqu’un, de lui arracher les poumons ou de lui couper la tête pour qu’il rende l’âme. Pour celui qui cherche à tuer son prochain, ce ne sont pas les cibles fatales sur le corps qui manquent.

La nature a évité cette fragilité pour les plantes. Ici, il n’y a pas d’organes vitaux externes. Ce qui fait que certaines plantes sont capables de perdre plus de 90 % de leur corps et revenir à la vie si leurs racines sont encore dans la terre. Même leurs organes sexuels sont temporaires et renouvelables. C’est pour cette raison que leurs « spermatozoïdes », que nous appelons du pollen, font éternuer beaucoup de monde en ce printemps.

Si vous voulez mettre une image sur cette grande capacité végétale à se relever de l’adversité, pensez aux pissenlits et à leur incroyable force de résistance à tout ce que nous avons inventé pour les éliminer des pelouses.

Même des tondeuses à guidage satellitaire ou à lame assistées par ordinateur n’arriveront pas à empêcher les pissenlits de se relever et de s’imposer comme l’incontestable lion des pelouses.

Le virus a traumatisé une bonne partie des gens d’ici et il faudra se débarrasser de cette carapace sur notre corps et recommencer à se reconstruire à la façon d’un arbre après un grand élagage. Alors, pourquoi ne pas aller demander aux plantes comment se relever de ce traumatisme ? Pourquoi ne pas aussi profiter de votre escapade de biophile pour laisser la nature soigner le corps et l’esprit ?

La biophilie est un concept inventé en 1984 par le biologiste américain Edward O. Wilson. De quoi ça cause ? L’humain ne peut pas avoir évolué pendant plus de 99 % de son existence dans la nature comme chasseur-cueilleur et s’en couper de façon draconienne sans conséquences néfastes sur sa santé physique et mentale. Ainsi, raconte cette sagesse.

Il y a une force vitale cachée dans les montagnes, les forêts, les ruisseaux et le sol qui nous fait du bien et la biophilie nous rappelle de garder ce lien avec la nature toujours vivant. S’inscrivant dans la même ligne de pensée, en 2005, l’auteur Richard Louv a inventé le concept de « trouble du déficit de nature » pour décrire un paquet de problèmes de santé des temps modernes. Il fait le lien entre l’augmentation des problèmes de santé physique et mentale dans nos sociétés modernes et notre divorce avec la nature que déconseillait Wilson.

Déficit chronique de nature

Aujourd’hui, la science ne cesse de nous démontrer que l’augmentation planétaire des cas d’anxiété, de dépression, d’obésité, de maladies cardio-vasculaires, de problèmes de comportement, doit en partie à ce déficit chronique de nature dans les communautés citadines de plus en plus surpeuplées de la planète. En 1950, l’humanité comptait un peu moins de 750 millions de citadins. En 2018, nous étions proches de 4,3 milliards à vivre dans les villes. Les spécialistes estiment qu’en 2050, c’est 6,7 milliards d’habitants de la planète qui résideront dans de grandes villes.

Si certaines cités regorgent de parcs et d’arbres pour pallier un peu ce déficit de nature, d’autres sont des champs de béton surpeuplés et paquetés de voitures. Une désertification urbaine qui prédispose aux conséquences néfastes du déficit de nature connu de l’humanité depuis la nuit des temps. Déjà, en 400 avant J.-C., Hippocrate disait : « Les maladies ne tombent pas du ciel. Elles proviennent de péchés commis envers la nature. Lorsque les péchés s’accumulent, les maladies ne sont pas loin. »

L’anxiété et la dépression coûteraient annuellement 210 milliards en Amérique. Les statistiques sur le sujet sont épeurantes.

Dans un bouquin intitulé Comment la nature soigne notre cerveau, les auteurs Alan Logan et Eva Selhub rapportent que chaque année, ce sont 12 tonnes des quatre principaux anxiolytiques, 38 tonnes de médicaments contre le TDA/H et 7 tonnes d’antidépresseurs qui sont consommées en Amérique du Nord. Pour expliquer ce grand fléau planétaire, beaucoup de scientifiques montrent du doigt le déficit de nature. La forêt nous soigne en empruntant tous nos sens.

Mais, au-delà de sa beauté, son odeur, sa musique et ses saveurs, les plantes qui y abondent nous font cadeau de leurs composés volatils qu’elles larguent dans les airs. Ces molécules, baptisées des phytoncides par le biologiste russe Boris Petrovich Tokin, entrent en nous et stimulent notre système immunitaire. Ces molécules émises par les plantes, qui ont un rôle antimicrobien et d’armes chimiques contre leurs agresseurs, sont une sorte de vocabulaire utilisé dans leurs communications, qui sont bien différentes des nôtres. Comme le dit si bien le végétaliste Stefano Mancuso, qui se bat depuis si longtemps pour faire accepter l’existence d’une « intelligence végétale », le romarin, le basilic, le citron, le cèdre, le sapin ou la coriandre racontent dans leur senteur des choses que seuls les membres de leur espèce, leurs collaborateurs et leurs ennemis naturels peuvent clairement comprendre.

Chose certaine, ces produits de la communication végétale nous soignent. Même le simple fait de regarder des plantes vertes peut faire du bien au corps humain.

Déjà en 1984, le chercheur danois Roger Ulrich démontrait que la simple vue d’arbres pouvait accélérer la guérison d’un patient qui se remet d’une opération mineure.

En comparant la vitesse de rétablissement de deux individus ayant subi la même opération, l’auteur est arrivé à la conclusion que la personne qui avait une vue sur les arbres se remettait plus vite que celle qui ne voyait que des murs et du béton. Cette découverte, qui avait ses détracteurs à l’époque, est aujourd’hui corroborée par d’autres études qui sont arrivées à la même conclusion.

De toutes les couleurs, le vert et le bleu de la nature sont les plus reposants pour l’humain, dont les yeux sont moins bien façonnés par l’évolution pour admirer le béton. Elles diminuent notre anxiété et notre stress, car pendant une très grande partie de notre évolution, nous avons arpenté les espaces verts des forêts, des plaines et des savanes. Nous avons besoin du bleu de l’eau et du vert chlorophyllien pour notre équilibre physique, physiologique et psychologique. C’est pour cette raison qu’à la déjà longue liste de services rendus à l’humanité par les plantes, il faut désormais ajouter la thérapie forestière.

Cette nouvelle médecine par prise de bains de forêt est appelée « Shinrin Yoku » en japonais. Au pays du Soleil-Levant, entre 2,5 et 5 millions de personnes sont adeptes de cette médication naturelle porteuse de santé physique et mentale. D’ailleurs, si les bains de forêt sont aussi thérapeutiques que le dit le chercheur japonais, la francophonie canadienne devrait être la capitale mondiale de la santé par la nature.

D’un océan à l’autre, les francophones du Canada sont si proches des arbres que beaucoup de leurs noms de famille sont jumelés à toutes les parties d’une plante. Ici, on trouve les familles Racine, des Dutronc, des Labranche, des Bellefeuille, des Lafleur, Bellefleur, Fleury et des Fruitier. Nous avons un lien si intime avec les arbres qu’il faudra un jour travailler à élaguer les noms de famille d’origine végétale. Voilà ce que je vous propose. Désormais, les Plante, Boisvert, Boisclair, Laforest, Forest, Deschêne, Laframboise, Poirier, Cormiers, Lépine et Boisjoli devraient tous être regroupés dans une seule famille : la famille Laplante.

Que vous soyez flanqué d’un nom d’arbre, de plantules ou de cultivar comme les Larose, Desrosiers, Lépine, Latulippe, Lavigne, Bouquet, Laframboise, Desgroseillers, Poirier, Cormier ou Deschamps, vous n’avez aucune excuse à ne pas visiter les Laforest ou à devenir des Gadebois maintenant que le déconfinement commence et qu’il faut se soigner. Autrement dit, même si la COVID-19 nous a fait découvrir d’autres facettes et innovations numériques pour socialiser, il faudra déprogrammer cette nouvelle dépendance et pousser les enfants à sortir dehors et se promener dans la nature, ou ce qui en reste dans nos villes.

Je vous souhaite un bel été !

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