L’humanité a été aux prises avec de nombreuses pandémies au cours de son histoire. Le manque de connaissances sur les causes de ces maladies en laissait plusieurs pantois face à la dévastation. Dans le récit épique de L’Iliade, c’est le dieu grec Apollon qui punit Agamemnon de son mauvais comportement en faisant pleuvoir de terribles flèches. Des flèches semant la peste sur les troupes d’Achéens.

Avec l’essor de la microbiologie et de la biologie moléculaire, ce qui pouvait sembler incompréhensible et surnaturel apparaît maintenant reconnaissable grâce à des technologies de pointe et des techniques de laboratoire qui scrutent l’infiniment petit. L’immunologie nous a permis de comprendre toute la complexité, la finesse et les stratégies de notre système immunitaire pour reconnaître et détruire les intrus.

Vulgariser pour comprendre

Sans entrer dans les détails, dans une infection virale typique, le système immunitaire inné reconnaît l’infection et déclenche une alarme. La cavalerie se rend sur les lieux de l’infection afin de ralentir la réplication et la propagation du virus. La réponse innée comprend de nombreuses interactions et cellules qui ont divers rôles et fonctions.

En agissant rapidement, le système inné donne du temps pour activer la réponse adaptative du système immunitaire qui va lancer la grande frappe contre l’intrus.

Dans le système adaptatif, les antigènes du virus sont reconnus par des lymphocytes B. Avec l’interaction des lymphocytes T auxiliaires, les B maturent en plasmocytes qui vont produire des anticorps. Ces derniers vont être produits en grande quantité, circuler et se lier aux antigènes. Ce complexe antigène-anticorps est ensuite éliminé. Comme l’écrivait Fernand Seguin, reconnaître et combattre un antigène (que l’on pourrait appeler phrase toxique), c’est fabriquer une phrase inversée qui en serait l’image dans le miroir.

Mais l’immunité adaptative n’est pas seulement humorale, une réponse importante est médiée par les cellules. Les lymphocytes T cytotoxiques reconnaissent les cellules infectées par le virus et les détruisent par apoptose ou mort cellulaire. Des lymphocytes B et T mémoires sont aussi créés pour se souvenir des infections et réattaquer l’intrus dès qu’il réapparaît.

Dessine-moi un bouclier

Toutes ces stratégies mises en place pour éliminer les bactéries et les virus feraient pâlir d’envie les meilleurs stratèges militaires ayant foulé cette Terre. Le système immunitaire est à la fois complexe et ingénieux avec ces nombreuses interactions cellulaires et moléculaires. Mais on ne peut passer sous silence le travail remarquable des chercheurs qui ont mis au point des vaccins efficaces et sécuritaires pour vaincre le virus de la COVID-19.

Les vaccins ont montré une efficacité spectaculaire dans les études cliniques. Leur taux de succès est de pratiquement 100 % pour garder les gens hors des hôpitaux lorsque deux doses sont administrées.

Dans une étude menée en Californie auprès des travailleurs de la santé, moins de 1 % des 36 600 travailleurs vaccinés ont été par la suite déclarés positifs à la COVID-19 et pas un seul n’a été hospitalisé.

Une étude similaire dans l’État de Washington a montré que sur 1,2 million de personnes vaccinées, seulement 102 cas avaient échappé aux vaccins. La plupart ont eu des symptômes légers et au moins huit personnes ont nécessité une hospitalisation.

Au Qatar, l’efficacité du vaccin à deux doses a été évaluée à 89,5 % pour tout type d’infections avec le variant B.1.1.7 et à 75 % avec le variant B.1.351. Toutefois, la protection réduite contre le variant B.1.351 ne semblait pas se traduire par une réduction de la protection contre les formes graves de la maladie. L’étude au Qatar rapporte une efficacité du vaccin de 97,4 % contre les infections causant des maladies graves et fatales.

Les infections qui échappent à la couverture des vaccins lorsque des personnes contractent la maladie sont peu fréquentes, mais on peut espérer que la vaccination va permettre de réduire la gravité et la durée de la maladie. Plusieurs montrent du doigt les variants. Les variants sont en fait des mutations du virus dans certaines parties de son ARN. Or, pour l’instant, les variants ne rendent pas les vaccins obsolètes lorsque deux doses sont utilisées.

Mettre la barre sur les « T »

La majorité des études a été réalisée sur les anticorps qui se lient aux protéines virales et bloquent l’infection, mais il ne faut pas négliger les lymphocytes T. Les lymphocytes T ne préviennent pas les infections, mais ils sont essentiels pour éliminer les cellules infectées et prévenir les formes graves de la maladie.

Les mutations portées par les variants peuvent affecter les anticorps neutralisants, mais elles semblent avoir peu d’effets sur les lymphocytes T. Des chercheurs du National Institute of Allergies and Infectious Disease ont étudié le plasma de 30 personnes ayant eu la COVID-19 et ils ont identifié 132 types de lymphocytes T qui reconnaissent 52 épitopes du virus. Après avoir cartographié les mutations des variants, ils ont conclu que les T cytotoxiques reconnaissent les épitopes sur les cellules infectées et sont prêts à les attaquer. D’autres études doivent être faites pour corroborer ces résultats.

Il importe de rester prudent et vigilant, mais les études scientifiques qui sortent jour après jour sur l’efficacité et la sécurité des vaccins ont de quoi réjouir.

Le DNicholas Christakis, médecin et sociologue, disait : « Les microbes et les épidémies ont modelé notre trajectoire évolutionnaire depuis l’origine de notre espèce et comme le mythe des flèches d’Apollon, ils font partie de notre histoire. » Gardons espoir, les épidémies finissent toujours par arrêter !

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