En février 2012, le commissaire à la santé du Québec chargé de livrer un portrait de nos tout jeunes enfants est arrivé à la conclusion qu’il nous fallait créer un observatoire portant sur nos 0-5 ans.

Les données pour arriver à se faire une idée de l’état de santé et du bien-être de nos tout-petits ne manquaient pas, disait-il, mais elles étaient incomplètes, éparpillées à tout vent, sans cohésion, difficiles d’accès et de traitement. La Fondation Lucie et André Chagnon a alors pris la balle au bond et décidé d’investir ce qu’il fallait pour développer, mettre sur pied et lancer l’Observatoire des tout-petits1.

Cet observatoire, d’abord discret puis de plus en plus audible et visible chez les médias et le grand public, a depuis lors acquis une réputation de fiabilité, de rigueur et de pertinence pour qui veut répondre à deux grandes questions : comment vont nos tout-petits ? Dans quels environnements grandissent-ils ? Une visite au site de l’Observatoire nous met en présence d’une collection de données très riche, diversifiée, validée et contre-validée par des partenaires solides comme, par exemple, l’Institut de la statistique du Québec. Une véritable mine d’or.

Et une belle et nouvelle pépite vient tout juste de s’ajouter à cette collection : un rapport sur les politiques publiques touchant nos tout-petits, un travail remarquable dont on devine l’immense complexité, un premier inventaire rigoureux et riche d’informations de nos politiques publiques à l’égard des tout-petits, bref, un admirable ouvrage de forage et de conciliation d’informations utiles.

Une lecture de ce rapport essentiel nous laisse en même temps rassurés, mais préoccupés.

Rassurés par tout ce que nous avons consenti à développer comme société dans nos politiques publiques à l’égard de nos jeunes enfants aussi bien au niveau municipal, québécois que fédéral. On y retrouve l’ensemble des politiques des programmes, des services, des lois adoptées en soutien au revenu, au logement, à l’alimentation ou portant sur le dépistage des difficultés de développement, sur l’accès aux soins, aux services de garde éducatifs, sur la conciliation famille-travail, sur les transports collectifs ; 14 champs d’intervention publique en tout.

Nous y trouvons le compte rendu d’une construction collective jamais facile, rarement linéaire, mais la plupart du temps bien inspirée et généreuse concernant les soins et l’attention que nous devons apporter à nos jeunes enfants. Le rapport fait état de l’impact positif de ces politiques à plusieurs égards : développement des places en service de garde éducatif unique en Amérique du Nord, entrée massive des femmes sur le marché du travail, diminution spectaculaire de la pauvreté chez les familles de nos tout-petits, engagement de plus en plus marqué des pères durant la période périnatale auprès de leur enfant.

Matière à préoccupation

En même temps, le rapport de l’Observatoire nous laisse penser qu’il y a encore de quoi nous préoccuper. Par exemple, les parents se retrouvent désormais dans des états de stress, coincés qu’ils sont entre le travail et la vie familiale. Le temps leur manque, la flexibilité des horaires n’y est pas, ils ont souvent l’impression de ne pas être là où il faut. Par ailleurs, plusieurs peinent encore à loger leur famille convenablement ou à leur assurer la sécurité alimentaire nécessaire. Plusieurs ont échappé à la pauvreté, mais vivent dans la précarité.

D’autres, encore trop nombreux, se désolent de voir leur enfant en état de vulnérabilité pour amorcer leur parcours scolaire. Et il y a encore tant à faire pour les enfants des nations autochtones.

Et ce rapport nous remet aussi en face d’un raté magistral et affligeant de nos politiques, programmes et services concernant la santé, la sécurité et le développement de milliers de nos tout-petits signalés annuellement à la Direction de la protection de la jeunesse. Alors que la Commission spéciale sur le droit des enfants et la protection de la jeunesse s’apprête à déposer ses recommandations concernant cet enjeu de la maltraitance envers nos enfants, ce bilan dressé par l’Observatoire des tout-petits nous indique que nous ne partons pas de rien, bien sûr, mais que beaucoup reste à faire.

Nous ne pourrons désormais plus affirmer que nous ne savions pas. Et nos décideurs auront tout en main avec ce rapport et celui de la Commission spéciale sur le droit des enfants et la protection de la jeunesse pour dessiner l’agenda d’Un Québec digne de ses enfants.

1 Consultez le site de l’Observatoire des tout-petits

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion