La Montréalaise d’origine Liz Plank offre un guide sur la façon dont il est possible de redéfinir la masculinité et de mieux cerner ses enjeux dans une société en transformation. Extrait.

L’une des questions que j’ai le plus entendues de la part des hommes lors de mes recherches et de l’écriture de ce livre, c’était comment aborder les femmes et leur parler dans le contexte de travail depuis le déferlement d’histoires qui sont sorties avec le mouvement #metoo. Le harcèlement sexuel, jusqu’à tout récemment, n’était pas pris au sérieux par les entreprises et la société en général, mais les hommes aujourd’hui doivent se conformer à des standards plus élevés. Il s’agit là d’un pas de géant pour l’humanité, mais il peut être difficile à franchir pour les hommes. Alors voici quelques trucs :

Règle numéro 1 : Prends conscience de tout le pouvoir que tu as

Les femmes, surtout les femmes de couleur, connaissent exactement leur position dans la structure du pouvoir parce qu’elles se trouvent le plus souvent au bas de l’échelle. Mais j’ai remarqué une chose au fil de mes conversations avec les hommes : si on leur a souvent demandé de prendre conscience de leurs privilèges, ils se sont rarement fait demander de prendre conscience de leur pouvoir. Examiner ses privilèges, c’est passif : ça demande de prendre un pas de recul. Mais examiner son pouvoir, c’est actif. Pour ma part, je trouve que la deuxième option est meilleure. Je crois qu’il est plus important de prendre acte du pouvoir qu’on a puis de l’utiliser pour faire le bien. Car si le privilège est fixe (il dépend d’identités fixes : être blanc, être un homme, être en bonne santé), le pouvoir est relationnel. Il change en fonction des situations et des personnes avec lesquelles on s’associe.

Règle numéro 2 : Quand t’essaies de sortir avec une collègue, retourne à la règle numéro 1

Dans ce monde post-#moiaussi, beaucoup d’hommes ont peur que ce soit la fin des flirts de bureau. En tant que femme qui doit bien avouer s’être entichée plus d’une fois de collègues de travail, je ne crois pas que ce soit le cas. En fait, près de la moitié des gens ont à un moment ou un autre fréquenté des collègues et un tiers de ces relations ont abouti au mariage.

Les femmes ne croient pas que les dénonciations de harcèlement sexuel tuent le romantisme : au contraire, les règles régissant les amours au travail en sont réactualisées – pour le mieux.

Si tu veux t’assurer de ne pas aller trop loin, suis la politique officielle instituée chez Facebook et Google : t’as une et une seule chance. Les relations amoureuses au travail sont permises tant qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts et que les collègues ne s’invitent qu’une seule fois. Si la réponse est ambiguë (« Je suis occupée », « Peut-être, laisse-moi voir… ») ou se résume à un « Non » bien clair, la personne n’a pas le droit de demander une deuxième fois. Les fréquentations au travail sont simples : t’as droit à une seule chance.

Règle numéro 3 : Rappelle-toi que si l’attirance est mutuelle, ce n’est pas du harcèlement

Beaucoup d’hommes se plaignent de ne pas savoir si un flirt pourra être perçu comme du harcèlement. Mais il y a un truc : si tu ne sais pas exactement si ce que tu fais c’est du flirt ou du harcèlement, ce n’est probablement pas du flirt. Le bouddhisme nous enseigne à manger de façon consciente, à marcher de façon consciente et je crois que les hommes ont besoin de pratiquer le flirt de façon consciente, surtout sur les lieux de travail.

Règle numéro 4 : Tu n’as pas besoin d’éviter les femmes : tu n’as qu’à arrêter de les harceler !

J’ai parlé à beaucoup d’hommes (et de femmes) qui me disent qu’ils ont peur d’embaucher des femmes maintenant. Ne pas embaucher des femmes pour régler le problème du harcèlement au travail, c’est comme régler la question de la disparition des tortues de mer en tuant celles qui restent. Refuser d’être seul dans une pièce avec une femme après la tombée de la nuit ne fait absolument rien pour abolir le harcèlement sexuel.

Règle numéro 5 : Pour ce qui est de la galanterie au travail, pose la question

Les hommes devraient aborder la galanterie au travail avec une règle simple : pose la question si tu n’arrives pas à savoir ce qui est approprié. Demande-lui si elle a besoin d’aide, ne pars pas du principe que c’est le cas.

Par contre, ce qui fonctionne à tout coup et qui ne peut jamais se retourner contre toi, c’est d’offrir de faire des tâches perçues comme traditionnellement féminines dans l’environnement de travail, comme prendre des notes ou accomplir des tâches administratives.

Même si tu n’es pas en mesure de t’occuper de commander à dîner pour tout le monde ou de prendre les notes lors d’une réunion, remercier la femme qui accomplit ces tâches lui montre que tu apprécies le temps et les efforts qu’elle met à faire ce travail laborieux, qui est le plus souvent pris en charge par des femmes et non reconnu. C’est peut-être bien d’ouvrir la porte pour ta patronne, mais offrir de réserver la salle de conférence pour elle, c’est encore mieux.

Règle numéro 6 : Ne fais rien pour une femme que tu ne ferais pas pour un homme

Ouvrirais-tu la porte pour un homme ? Tout à fait. Lui ferais-tu un câlin en disant que tu ne peux tout simplement pas serrer la main d’un homme ? Pas du tout. Si tu ne le fais pas pour un homme, alors tu ne devrais probablement pas le faire pour une femme. C’est le seul point de repère dont tu as besoin. Fais comme si les personnes n’avaient pas de genre. Ne pars pas du principe qu’une personne peut en faire plus ou moins sur la base d’une quelconque partie de son identité. Les gens pensent que tenir compte de l’identité signifie traiter une personne différemment, alors que ce que ça veut dire, c’est traiter tout le monde équitablement.

PHOTO FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Pour l’amour des hommes, de Liz Plank

Pour l’amour des hommes
Dialogue pour une masculinité positive
Liz Plank
Les éditions Québec Amérique (mars 2021)
384 pages

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