Récemment, début mars, des dirigeants du secteur de l’énergie en Ontario discutaient des besoins à combler en électricité dans la province, en rappelant la perte, d’ici peu, d’une partie de la production provenant de l’énergie nucléaire et la hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) que cela va entraîner.

Étonnamment, jamais, au cours de ces échanges, n’a-t-il été question que les provinces voisines de l’Ontario, soit le Québec et le Manitoba, pourtant des châteaux forts d’hydroélectricité, seraient à même de combler en partie ces manques à gagner en énergie non émettrice... La transition énergétique que l’on souhaite tous, et qui nécessitera plus de lignes de transport pour intégrer les renouvelables, serait grandement facilitée par une concertation plus étroite entre les territoires. Le réputé National Renewable Energy Laboratory des États-Unis le dit explicitement dans une étude scientifique récente (2019) : « des liens accrus entre les réseaux de transport d’électricité de différents États permettraient d’équilibrer la production et la demande avec moins d’équipements, ainsi que plus de fiabilité ».

Plus près de chez nous, l’Accélérateur de transition et la Chaire en gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal soutiennent la même chose. L’Accélérateur dit qu’on ne peut pas faire « un petit peu de tout » pour faciliter la transition énergétique, mais miser sur des approches audacieuses permettant d’accélérer les changements structuraux pouvant faire cheminer nos sociétés vers la neutralité carbone. La Chaire énergie HEC Montréal indique des économies potentielles se chiffrant en milliards de dollars s’il y avait une coopération plus étroite entre les compagnies d’électricité du nord-est du continent. Mieux, décarboner coûterait moins cher, et on irait plus vite, plus en profondeur.

C’est une idée qu’il faut maintenant mettre en œuvre. Dans les territoires voisins du Québec, les responsables de la livraison de l’électricité sont aux prises avec de redoutables défis.

En Ontario justement, on doit composer avec la fin de la production de la centrale nucléaire de Pickering (3100 MW) en 2025 et la réfection des centrales nucléaires Bruce et Darlington, au coût astronomique de quelque 25 milliards de dollars.

À New York, à la suite d’une entente entre l’opérateur et l’État en 2017, on assiste à la mise au rancart de la production de la centrale nucléaire Indian Point (2100 MW), qui fournit plus du quart de l’électricité à la ville de New York.

Une première unité a été mise à l’arrêt définitif en avril 2020. La deuxième le sera fin avril.

Ce sont là d’importants déficits à combler en approvisionnement électrique fiable, non émetteur de GES, mais qu’on envisage de remplacer en bonne partie avec du gaz, une source polluante.

Un développement qui va à l’encontre de l’objectif fort ambitieux du président Joe Biden, qui est de décarboner entièrement le réseau électrique américain en 2035.

Pour y arriver, les sociétés d’électricité ont tout intérêt, comme le prouvent amplement les études citées auparavant, à pouvoir compter sur les atouts de leurs voisins, à mutualiser leurs avantages. Plutôt que d’y aller à la pièce, chacun dans son coin, en silo, elles devraient embrasser une perspective régionale, notamment pour la planification et la construction de lignes de transport, toujours si hautement contestées.

Or, dans le Nord-Est, ces territoires disposent d’un véhicule de collaboration, soit la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’est du Canada.

Cette initiative de concertation devrait être impulsée par nos dirigeants politiques. S’ils donnent l’ordre de marche, les sociétés d’électricité suivront.

Le Québec devrait, à cet égard, prend la tête dans la promotion de cette idée, lui qui a tant à offrir avec son hydroélectricité.

Cette coopération plus étroite serait à notre plus grand bénéfice à tous. Autant du côté de notre portefeuille, avec des équipements moins dispendieux, que de la qualité de l’air et de l’âpre combat mené pour réduire les GES.

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