Ce que nous vivons depuis un an est unique et nous amène à nous questionner sur plusieurs aspects de notre vie. Pour les professionnels de la santé, ces remises en question surviennent souvent lorsqu’on éprouve une grande fatigue. À la suite de mes nombreuses périodes de garde aux services des urgences de divers centres hospitaliers de la province, j’ai été à même de constater l’épuisement vécu par mes collègues.

L’Association médicale canadienne (AMC) a dévoilé le 10 mars des statistiques pour le moins préoccupantes en ce qui concerne la pandémie de COVID-19, qui frappe le monde entier depuis mars 2020. Sans surprise, on y apprend que 70 % des médecins sont plus fatigués qu’avant, et que dans une proportion presque similaire, les professionnels de la santé voient leur taux d’anxiété augmenter de manière fulgurante.

Il faut cependant creuser au-delà de ces statistiques circonstancielles, et se pencher sur leurs causes profondes. Cela fait des années que la profession médicale du Québec doit composer avec des situations qui ont drainé les ressources et découragé la relève, en voyant l’ampleur titanesque des défis que l’on ne finit jamais de relever.

Un environnement changeant et éreintant

Au cours des dernières années, les médecins québécois ont subi des réformes du système de santé qui n’ont pas eu les effets positifs escomptés. Certes, il y a eu quelques réussites, mais il reste encore beaucoup à faire, à réaliser.

Nous nous sommes retrouvés dans un système hypercentralisé imposant une transformation majeure de la pratique médicale.

Par exemple, des médecins qui avaient choisi de faire de l’hospitalisation leur pratique principale ont dû la quitter pour aller en première ligne, pour finalement être rappelés aux centres hospitaliers. Ces changements n’ont fait que déplacer les problèmes liés à l’accès aux soins, sans les régler. De plus, n’oublions pas qu’avant la pandémie, la profession médicale était fréquemment critiquée pour sa résistance au changement.

Remettre les humains au centre du système

En tant qu’urgentologue ayant vécu les réformes passées et se donnant à part entière pour soigner la population québécoise, je constate que chaque changement effectué dans le système de santé a un effet direct sur ses ressources humaines, qui en sont le fer de lance. La pandémie a exigé des efforts surhumains de tous les professionnels de la santé, et il faudra continuer de donner un coup d’épaule pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, si l’on veut remettre le système sur les rails.

Sans bras (lire sans ressources humaines), sans huile de coude comme le disait mon grand-père, rien n’est possible.

Il faut donner le temps au réseau d’absorber les changements, et la pandémie a été le plus gros bouleversement des dernières années : ce coût humain doit absolument être pris en considération.

Alors que le réseau retombera lentement sur ses pieds, il faut faire tout en notre pouvoir pour repartir dans la bonne direction. Nous devons repenser le réseau dès maintenant pour le rendre plus performant et rendre les soins plus accessibles.

L’énergie exigée pour se rendre à destination impliquera de nouvelles demandes aux professionnels déjà épuisés. Devant la fragilité actuelle du système de santé, ce coût humain doit être pris en compte si l’on veut éviter l’écroulement pur et simple du système de santé.

Peut-on apprendre de nos expériences passées et assurer une meilleure gestion du changement lors des prochaines transformations ? Je suis convaincu que oui.

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