L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été la cible de toutes les critiques depuis le début de la pandémie. Pour les trumpistes, elle est même devenue l’incompétente bête bureaucratique à abattre à cause de sa complaisance présumée avec les autorités chinoises. À tort ou à raison ?

Personnellement, ma confiance envers cette organisation a commencé à vaciller après la pseudo-pandémie de grippe A (H1N1) de 2009. Une crise sanitaire qui avait aussi provoqué une anxiété et une course aux armements vaccinaux planétaires. Pourtant, pour une raison inexplicable, ce qu’on nous annonçait comme un ouragan a accouché d’un tout petit vent de rien du tout.

Bien des spécialistes croient aujourd’hui que l’exagération de cette grippe, qu’on disait assez virulente pour foudroyer des jeunes en bonne santé, était le fait du noyautage de l’OMS par le lobby de certains laboratoires pharmaceutiques. Un éminent épidémiologiste allemand et ex-président de la commission pour la santé du Conseil de l’Europe, Wolfgang Wodarg, a même réclamé une enquête sur ce qui ressemblait à une grosse arnaque en bandes organisées. « Nos enfants ont été vaccinés inutilement, l’OMS a fait une erreur grave et ne mérite pas notre confiance », disait ce scientifique en 2010 pendant l’audition de l’Organisation mondiale de la santé au Conseil de l’Europe sur sa nébuleuse décision de déclarer une pandémie de grippe A (H1N1).

Pour la gestion du début de cette pandémie de COVID-19, l’OMS ne mérite pas non plus la note de passage. Rappelons qu’elle a été à l’origine du fameux cha-cha-cha autour du port du masque.

Ces sermons sur la dangerosité du masque qui ont été relayés par beaucoup de politiciens et de médecins nous ont malheureusement empêchés de distancer le virus à la hauteur des sacrifices consentis par la population pendant la première vague. Sans tomber dans la diffamation à la façon Donald Trump, disons que pour ce qui est du mauvais départ planétaire dans la course contre ce coronavirus, l’Organisation mondiale de la santé mérite de partager le blâme avec le gouvernement chinois. Mais, entre les cachotteries du régime de Pékin et l’OMS, c’est un peu l’histoire qui se répète. Pour s’en convaincre, voici ce que dit la spécialiste Sonia Shah sur le début du SRAS en Chine : « Même quand la nouvelle de l’épidémie a atteint le bureau de Pékin de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les responsables chinois ont continué à refuser de répondre. Ils ont seulement admis qu’il y avait eu quelques décès dus à une "pneumonie atypique". Et, dans un premier temps du moins, ils ont empêché les équipes d’enquêteurs de l’OMS d’inspecter les hôpitaux militaires où les patients atteints du SRAS étaient traités. Ce n’est qu’après qu’une OMS suffisamment alarmée eut conseillé aux visiteurs de rester à l’écart de Hong Kong et Guangdong que le ministère chinois de la Santé a publiquement reconnu la présence du nouveau virus tueur. Le ministre insistait encore à ce moment-là sur le fait que le pathogène avait été contenu et que le sud de la Chine était sans danger. Après vérification, ni l’un ni l’autre n’était vrai. »

PHOTO NG HAN GUAN, ASSOCIATED PRESS

Peter Ben Embarek (à droite), de l'équipe de l'Organisation mondiale de la santé, se fait raccompagner à la fin d'un conférence de presse, à Wuhan, en Chine.

En lisant ce passage, on comprend que la méthode n’a pas beaucoup changé avec l’arrivée de la COVID-19. Alors, qu’est-ce que les inspecteurs, si experts et crédibles soient-ils, espéraient trouver pendant leur enquête en Chine ? Que valent vraiment leurs conclusions émises après trois semaines de visite étroitement surveillée ? Est-ce qu’ils s’attendaient à ce que le régime, qui a caché toute la vérité sur la pandémie à sa population et muselé les médecins, les journalistes et les internautes qui ont essayé de rapporter la réalité, se métamorphose et décide de leur donner toutes les clés pour élucider le mystère entourant l’origine du SARS-CoV-2 ? C’est comme si la police attendait une année après un crime très médiatisé pour appeler le présumé coupable et lui demander, à sa convenance, l’autorisation de fouiller sa maison dans l’espoir d’y trouver les preuves de sa culpabilité potentielle.

Il ne faut pas se leurrer, cette mission est bien plus une opération de relations publiques qui sera bonne pour l’OMS et pour le régime de Pékin.

En effet, après ce spectacle largement médiatisé, l’OMS aura l’impression d’avoir fait son travail et le Parti communiste chinois revendiquera une transparence internationale dans ses campagnes de communication.

Si l’épisode de la grippe A (H1N1) a fragilisé ma confiance envers l’OMS, c’est la lecture du bouquin de Sonia Shah intitulé Pandémie qui a poussé mon scepticisme un peu plus loin. Dans ce formidable livre, richement documenté, il y a des passages où elle parle de cette organisation d’une façon qui aurait vraiment fait plaisir au président Trump.

L’OMS a été créée en 1948 pour veiller à la coordination des campagnes de santé publique des pays membres de l’ONU. Mais rapidement, son financement souffrira des restrictions de contributions de certaines nations influentes protestant contre les impacts géopolitiques des décisions de l’ONU. Si bien qu’au début des années 80 et 90, l’OMS devait déjà trouver de l’argent ailleurs que dans les cotisations qu’elle recevait. Aussi, pour faire fonctionner sa gigantesque machine bureaucratique à plein régime, les contributions volontaires de fondations de bienfaisance privées, d’ONG ou de pays donateurs seront toutes les bienvenues. L’OMS décida aussi d’ouvrir le financement de ses activités par des entreprises privées et, par conséquent, à l’influence de groupes d’intérêts. Si bien qu’en 2015, dit Sonia Shah, ces contributions autres représentaient plus des trois quarts de son budget de près de 4 milliards de dollars.

Évidemment, cette promiscuité y a provoqué des immoralités que l’auteure évoque dans ce passage : « Leurs conflits d’intérêts sont assez évidents. Par exemple, les fabricants d’insecticides aident l’OMS à établir sa politique sur le paludisme même si leur marché des insecticides antipaludiques disparaîtrait si le paludisme reculait réellement. Les compagnies pharmaceutiques aident l’OMS à déterminer les politiques d’accès aux médicaments, malgré le fait qu’elles risquent de perdre des milliards de dollars au profit de médicaments génériques moins chers qui rendraient plus accessibles aux patients les traitements dont ils ont besoin. Les entreprises d’aliments et de boissons transformées aident l’agence à élaborer de nouvelles initiatives sur l’obésité et les maladies transmissibles, même si leur santé financière dépend de la vente de produits reconnus pour contribuer à ces mêmes problèmes. »

Sans tomber dans les accusions frontales, il est absolument permis de soupçonner des passes croches dans ces associations où des loups qui se disent végétariens veulent donner de leur temps pour préserver la santé des moutons.

L’expert Peter Daszak est président d’une association qui a déjà collaboré avec l’institut de virologie de Wuhan, mais il n’y a rien là de questionnable. Il peut quand même d’un coup d’œil d’expert balayer la thèse de l’origine accidentelle du virus. Avec de telles façons de faire, il ne faut pas se surprendre que le complotisme soit devenu une religion planétaire.

Si l’OMS a connu un très mauvais départ pendant cette pandémie, elle n’a pas été plus efficace au début de l’épidémie d’Ebola. Dans un passage consacré à la genèse du dernier épisode de cette terrifiante maladie, l’auteure raconte : « Lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, l’agence affaiblie n’a pas été en mesure d’organiser une réponse rapide. Il s’avère que l’une des raisons de cet état de fait est que l’agence avait été forcée de faire des compromis sur l’intégrité des fonctionnaires qu’elle avait embauchés. Plutôt que d’être nommés pour leur engagement envers la santé mondiale, ils avaient été nommés pour des raisons politiques. Lorsque les pays touchés ont voulu minimiser l’épidémie afin de ne pas contrarier leurs sociétés minières et d’autres investisseurs, les responsables locaux que l’OMS avait nommés pour des raisons politiques ont emboîté le pas. Comme l’a révélé un document interne divulgué par l’Associated Press, ils ont refusé de reconnaître l’épidémie jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour la contenir. »

N’est-ce pas un constat horrible ?

Pour terminer, permettez-moi quand même de dire que malgré ce gros voile de suspicion, l’OMS a fait, et fait encore, de belles choses. Par exemple, le poliovirus, responsable de la poliomyélite, cette maladie qui a fait beaucoup de ravages dans ma génération, a été « éradiqué » officiellement du continent africain le 25 août 2020. Cette nouvelle me touche particulièrement, car en plus de m’avoir ruiné la jambe droite, cette maladie a aussi tué un de mes frères et paralysé complètement une de mes sœurs. Ce virus a été « éradiqué » grâce à qui ? Grâce aux vaccins, au travail de l’OMS et aux contributions du milliardaire Bill Gates. Bon, il faut aussi ajouter la généreuse participation du richissime philanthrope nigérian Aliko Dangote. La mention de ce quatrième acteur est plus qu’indispensable en ces temps de paranoïa où le seul mélange entre OMS, vaccin et Bill Gates pousse les complotistes à réciter des prières.

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