Le Québec se targue d’être un pionnier en promouvant l’égalité des minorités sexuelles. Bien que cela ait été moins vrai dernièrement, le Québec a l’occasion maintenant de redorer son image. Pour le faire, il doit accepter le remarquable jugement de la Cour supérieure rendu le 28 janvier concernant les droits fondamentaux des personnes trans et non binaires.

Le Québec s’est positionné en chef de file en prohibant la discrimination basée sur l’orientation sexuelle en 1977. La reconnaissance de la filiation de deux mères ou de deux pères, en 2002, a également été à l’avant-garde mondiale.

Toutefois, le chemin vers la reconnaissance de la situation des personnes trans a été semé d’embûches, avec plus de résistance gouvernementale. Le besoin primordial est celui d’une concordance entre l’identité telle que connue par la personne et l’identité juridique inscrite sur les actes d’État civil. Sans des papiers d’identité conformes, des personnes trans évitent des interactions bénéfiques avec des organismes, tant publics que privés.

Les personnes trans devaient se battre contre la notion, chère à la tradition civiliste, que c’est l’État qui détermine l’État civil des citoyens.

Le Québec s’est donc traîné la patte relativement à d’autres provinces canadiennes quant à la possibilité des personnes trans d’obtenir un changement de nom ou un changement de la mention de sexe.

Ce n’est qu’en 2013 que le législateur modifie la loi afin de permettre à une personne trans, en respect de l’autonomie de celle-ci, de changer la mention de sexe sans subir une intervention chirurgicale. D’autres ajustements ont suivi en 2016.

Or, malgré les soumissions des personnes trans et de leurs alliés, ces réformes n’ont pas enlevé tous les obstacles indus à la reconnaissance par l’État de l’identité des personnes trans. C’est ainsi que le Code civil persistait à restreindre la capacité d’obtenir un changement de la mention de sexe aux citoyens canadiens, confinant dans une marginalité insupportable les immigrés trans ayant fui la transphobie dans leur pays d’origine. De plus, le directeur de l’État civil refusait de dresser un nouvel acte de naissance pour l’enfant dont le parent avait fait une transition. Conséquemment, une femme trans ayant fait sa transition après la naissance de son enfant devait rester inscrite sur l’acte de naissance de ce dernier comme en étant le « père ». Qui plus est, le Code civil niait tout simplement l’identité de genre non binaire, celle des personnes qui ne s’inscrivent pas dans les cases M et F, pourtant reconnue depuis quelques années dans d’autres provinces.

Quelques personnes trans, le Centre de lutte contre l’oppression des genres et autres groupes communautaires, représentés habilement par des avocats bénévoles dévoués, ont donc contesté la loi. Le gouvernement s’est défendu bec et ongles. Après sept ans, les demandeurs ont eu gain de cause concernant la majorité de leurs demandes, dont les exemples donnés précédemment.

Les gouvernements successifs péquiste, libéral et caquiste savaient que leurs réformes laissaient pour compte certaines personnes trans hautement vulnérables.

L’intervention des tribunaux s’imposait, à grand prix. Le gouvernement du Québec a maintenant l’occasion de faire amende honorable : il doit accepter le jugement et modifier la loi rapidement, selon les indications de la Cour.

Par ailleurs, rien n’empêche le gouvernement de rectifier aussi les matières que la Cour n’a pas jugées inconstitutionnelles. L’une est l’exigence d’assigner un sexe au nouveau-né durant ses 30 premiers jours. Elle cause des torts, entre autres, aux enfants intersexes, desquels le sexe peut ne pas être déterminable à l’intérieur du délai. L’autre est le pouvoir du parent, qui ne peut plus empêcher le changement de la mention de sexe de son adolescent, de bloquer le changement de nom de ce dernier. Soulignons l’extrême vulnérabilité des adolescents trans qui ne jouissent pas d’un appui parental. Éclairé par les solides conclusions factuelles du juge concernant les difficultés sévères qui confrontent les personnes trans, le gouvernement peut, de son propre chef, rendre le droit québécois plus juste.

Tout en démontrant une résilience et une force remarquables et inspirantes, les personnes trans et non binaires restent une population marginalisée. Souvent, les désavantages frappent plus fort les personnes trans racisées et autochtones. Il est temps que le gouvernement du Québec, qui est justement fier de sa protection des droits fondamentaux dans d’autres dossiers, cesse de se battre contre ces groupes. Après tout, le respect de la liberté, de la dignité et de l’autonomie contribue à l’épanouissement de toute la société québécoise.

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