Un an avant la mort de Joyce Echaquan, le 28 septembre 2020, la commission Viens avait déclaré que les Autochtones du Québec étaient victimes de discrimination systémique : « Que ce soit en matière de santé physique, de santé mentale, de justice, d’espérance de vie, de parentalité, de logement ou encore de revenus, les difficultés vécues par les peuples autochtones du Québec font la démonstration claire de la faillite du système public à répondre à leurs besoins. De cela, nous sommes collectivement responsables.1 »

À ce jour, les actions faites à la suite des recommandations de la Commission sont jugées insuffisantes. C’est dans une volonté de solidarité envers toutes les personnes des Premières Nations, inuites et métisses de toute la province, que l’Association québécoise des infirmières et infirmiers (AQII) se joint à l’effort collectif pour faire adopter le « principe de Joyce » dans tous nos établissements de santé, d’enseignement et de travail. L’AQII, dont le mandat est de représenter la voix politique des infirmières, reconnaît la problématique du racisme systémique au sein des structures institutionnelles sur le territoire québécois et demande à nos collègues dans les regroupements professionnels et les établissements de santé de prendre une position ferme et de condamner le racisme systémique au sein de leur organisation.

Le racisme systémique est une forme insidieuse de discrimination établie dans nos institutions publiques. Un héritage dans l’élaboration de ce nouveau monde issu des pays colonisateurs européens qui n’a pas été remis en question. Le racisme systémique n’établit pas automatiquement le racisme individuel, mais met plutôt en lumière l’élaboration de notre culture institutionnelle.

Déclarer que nos structures sont construites sur un système racisé permet d’ouvrir la discussion et la réflexion sur notre propre culture.

La compréhension de l’autre sans discrimination favorisera une pratique de soins humaniste et des services non discriminatoires. Sans cette affirmation, peu de changements ou d’actions mis en place obtiendront de résultats favorables.

Pas un cas isolé

La mort de Joyce Echaquan est la démonstration du racisme systémique qui perdure depuis longtemps dans nos services publics. Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Depuis des décennies, le personnel soignant est instrumentalisé pour appuyer les politiques racistes en santé, mais aussi comme force colonisatrice. En novembre 2020, le Conseil des Atikamekw de Manawan et le Conseil de la Nation Atikamekw ont présenté un mémoire aux gouvernements du Québec et du Canada demandant d’adopter le principe de Joyce. Le gouvernement Legault a refusé de le faire, notamment parce qu’il persiste à nier le caractère systémique du racisme. Le principe de Joyce est un appel à l’action et à un engagement formel des gouvernements, en réponse à la mort de Joyce Echaquan, femme atikamekw, aux mains de professionnels de la santé racistes.

Le principe de Joyce inclut six propositions concrètes, afin que la situation intolérable et inacceptable qui a mené à la mort de cette courageuse mère de famille cesse.

Il vise à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé. On y retrouve plusieurs exemples concrets permettant d’assurer aux communautés autochtones le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.

Le principe de Joyce est applicable au sein de toutes les organisations de santé et de tous les ordres professionnels, les établissements de santé, les milieux d’éducation. Cela inclut l’AQII, qui a commencé à implanter les appels à l’action du principe de Joyce. Soucieuse d’être une organisation inclusive qui contribue à démanteler le racisme systémique plutôt que d’y participer, l’AQII a adopté le principe de Joyce et travaille à l’appliquer dans le fonctionnement de son association.

L’AQII, en tant qu’organisme politique, s’engage à poursuivre ses démarches, envers ses membres et la communauté infirmière en général, pour adopter le principe de Joyce et nous invitons tous nos collègues d’associations ou de groupes professionnels à faire de même. De plus, nous joignons notre voix à celles de nos concitoyens autochtones et allochtones pour demander à tous les ordres de gouvernement, des municipalités au gouvernement fédéral, à adopter dès maintenant ce principe.

1 Le commissaire de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, Jacques Viens (2019)

* Cosignataires : Jolianne Ottawa, infirmière et membre de l’AQII ; Émilie Vigneault-Simard, infirmière praticienne spécialisée en soins à la clientèle adulte et membre de l’AQII ; Geneviève McCready, professeure en sciences infirmières à l’Université du Québec à Rimouski ; Melyna Desy-Bédard, infirmière

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