C’était le 24 janvier 2017, et on avait assisté à un échantillon représentatif du message qui avait permis à Donald Trump de prendre le pouvoir à Washington en 2016.

En signant le décret présidentiel autorisant la construction du pipeline Keystone XL, avalisé une première fois sous l’administration Bush en 2008, il avait déclaré : « Nous allons construire des pipelines, comme dans le bon vieux temps [like in the good old days]. »

Avec, à la clé, 28 000 emplois, good construction jobs, avait souligné Donald Trump. Bref, un projet s’inscrivant en parfaite adéquation avec son programme Make America Great Again. (Et un des rares sujets de bonne entente entre lui et le premier ministre Trudeau.)

C’est devenu l’éléphant dans la pièce pour les promoteurs de ce pipeline de près de 2000 km devant acheminer plus de 800 000 barils de pétrole par jour de l’Alberta vers notre voisin du sud : il est devenu un symbole.

Un symbole cristallisant le passage entre un monde « ancien », celui du XXe siècle basé sur une exploitation sans limites du pétrole pour l’éclairage, puis le chauffage, puis la mobilité, et un XXIsiècle où le combat contre les changements climatiques est, notamment pour les jeunes générations, une priorité non négociable.

Que ce projet favorise une plus grande indépendance énergétique en Amérique du Nord, au détriment de pays exportateurs aux régimes politiques contraires à nos normes (Arabie, Venezuela) ; qu’il amène une bouffée d’air frais à une économie albertaine qui en a bien besoin, donc une création de richesse ici au pays, tous ces arguments pèsent peu.

Mis au rancart, l’argument selon lequel le pétrole sera encore nécessaire à nos économies durant des décennies. Ne serait-ce que pour satisfaire aux besoins de l’industrie pétrochimique, en forte croissance, et aux secteurs où des technologies propres de remplacement sont encore lointaines, comme en mobilité aérienne et navale.

Laissé de côté, le fait que le pétrole exporté par pipelines est plus sécuritaire que celui acheminé par rails, comme on le sait fort bien au Québec depuis la tragédie de Lac-Mégantic (2013).

La transition énergétique est en marche accélérée. Mais il est vrai que les efforts pour affronter les changements climatiques n’ont que trop tardé. Ses effets catastrophiques se multiplient.

Heureusement, la transition énergétique, celle du passage des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) vers l’électricité propre, est bel et bien lancée, et les engagements des États et des entreprises pour un monde carboneutre à l’horizon 2050 se sont accélérés depuis la pandémie.

Rappelons que le nouveau président Biden était vice-président sous Obama quand ce dernier a déclaré, à la suite de la révocation du permis de Keystone XL (novembre 2015) : « Si nous voulons empêcher que cette planète devienne inhabitable, il faut que les ressources fossiles restent dans le sol. Il faut prévenir les changements climatiques avant qu’il ne soit trop tard. Il est maintenant le temps d’agir. » Aux côtés d’Obama lors de cette déclaration, à l’époque son secrétaire d’État : John Kerry, nommé dans la nouvelle administration américaine comme envoyé présidentiel pour le climat…

Tenu par cet engagement public, le nouveau président Biden n’a pas beaucoup d’autres options que d’écarter la construction de ce pipeline : Keystone est un dossier emblématique, lui permettant de se démarquer clairement de l’administration Trump en matière de lutte contre les changements climatiques et un marqueur de sa détermination à engager résolument les États-Unis dans son ambitieux programme d’énergie propre.

Le projet Keystone XL, avec son historique si tourmenté, semble, comme le pétrole qu’il voulait transporter, bel et bien enterré.

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