Jeter les subventions aux véhicules électriques

Peut-être pensez-vous que la transition énergétique consiste à électrifier, notamment les moyens de transport. Ce serait normal, c’est ce que le gouvernement répète sans cesse depuis presque 10 ans. Le problème, c’est que l’électrification n’est pas une fin en soi, c’est un outil. Et tout comme un marteau ne peut pas aider à scier une planche, électrifier les transports ne nous aidera pas à réduire la congestion, à limiter l’étalement urbain, à amoindrir l’endettement des ménages, à faire bouger davantage les Québécois pour les mettre en forme et à rééquilibrer notre balance commerciale. L’insistance sur l’électrification, surtout celle des transports, nous détourne du véritable enjeu — celui de se diriger vers une mobilité durable. Celle-ci assure nos déplacements par une combinaison de transport actif (marche, vélo), de transport en commun (autobus, train, métro), de covoiturage, de taxi et de véhicules partagés (de type Communauto).

Les subventions aux véhicules électriques, actuellement de 13 000 $, sont un transfert d’argent public pour des gens plus riches que la moyenne. Les acheteurs de véhicules électriques sont en effet plus aisés que la plupart des acheteurs de voiture. Ces ressources contribuent à ajouter des véhicules dans la congestion, alors qu’on devrait trouver des solutions pour la réduire ! Il faut donc rapidement jeter ces subventions et investir ces sommes dans la mobilité durable.

Transformer la fiscalité

Plusieurs sondages montrent que l’environnement est une grande préoccupation pour les citoyens. Malgré cela, si nous avons tant de défis environnementaux, c’est parce que nous ne sommes pas contraints par la nature : elle nous laisse la polluer sans qu’on en paie immédiatement le prix.

Laisser tomber son mégot au sol, déverser un produit toxique dans un cours d’eau, abandonner des déchets dans une forêt — c’est gratuit. Si le civisme permet de résoudre nombre de ces comportements, il faut aller plus loin.

Le coût des dommages environnementaux doit être directement visible. Il faut que les villes fassent payer plus ceux qui déposent davantage de déchets devant chez eux. Il faut que les utilisateurs de véhicules polluants paient en proportion de leur usage. L’eau ne doit plus couler à volonté des robinets aux égouts sans conséquence pour l’utilisateur.

En somme, c’est la fiscalité qui doit évoluer : il est nécessaire de la transformer pour qu’elle devienne une écofiscalité. On découragera les mauvais comportements en les rendant plus dispendieux, et on pourra investir les revenus pour rendre accessibles les solutions de rechange.

Conserver nos ambitions climatiques

De 2006 à 2015, le Canada a été dirigé par les conservateurs de Stephen Harper. Ceux-ci ont retiré le pays de l’accord de Kyoto et fait stagner la lutte contre les changements climatiques. Les États-Unis de Donald Trump ont réduit en pièces plusieurs lois environnementales et renoncé à agir en faveur du climat. Le Québec a su maintenir pendant toutes ces années un engagement fort dans la lutte contre les changements climatiques. Il est important de féliciter tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec et qui ont gardé le cap.

Évidemment, les actions et les réformes nécessaires pour réaliser ces ambitions ont encore rarement été au rendez-vous. On préfère donner de l’argent aux riches pour qu’ils se procurent une nouvelle voiture électrique, plutôt que de taxer les hordes de nouveaux acheteurs de gros véhicules sport. Malgré ces échecs dans la planification et la mise en œuvre, il est important de ne pas céder au cynisme. Il faut être ambitieux, voir grand – comme la science nous le dit — et faire les choses à la hauteur de nos ressources. Nous en avons beaucoup, nous pouvons donc beaucoup !

Ajouter du franc-parler et une vision

Nos objectifs environnementaux et la transition énergétique qui nous fera sortir du pétrole ne se réaliseront pas tout seuls. Il faudra plus que des technologies, et nous devrons changer nos manières de vivre. La fumeuse qui a vaincu sa dépendance, l’homme qui a perdu 50 livres peuvent nous en apprendre beaucoup.

Les efforts et la discipline, avec le soutien de notre entourage et un environnement social renforçant les bonnes pratiques, permettent de se transformer.

Il faut donc ajouter du franc-parler dans notre discours : la transition environnementale nous fera suer. Elle sera dure. Elle nous fera sortir de notre confort. Mais la vision qu’il faut se donner, c’est celle du point d’arrivée : un équilibre retrouvé avec la nature, un environnement plus sain où les cancers et les autres maladies chroniques seront en déclin, où la vie sera moins une course à l’accumulation de biens et de dettes — mais plutôt une découverte des multiples potentiels que la Terre nous offre.

Alors, quand est-ce qu’on commence la transition énergétique et écologique ? Dès maintenant : en jetant les faux cadeaux, en transformant les mesures incitatives, en conservant nos ambitions et en nous disant les vraies affaires.

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