Je viens de terminer un contrat de trois semaines à la buanderie de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Ce contrat m’a été donné à la suite de mon inscription sur le site web Je contribue COVID-19, lancé par le gouvernement du Québec plus tôt cette année. Ce contrat s’est terminé prématurément lorsque mon premier emploi a repris il y a quelques jours.

Lors de mon passage à l’hôpital, j’ai été surpris par le nombre de personnes issues de l’immigration récente travaillant dans les services non médicaux de l’hôpital : cuisine, entretien ménager, buanderie, sécurité… Lors de certains quarts de travail, près de la moitié des employés rencontrés n’étaient au Canada que depuis moins d’un an. Et plusieurs de ces personnes étaient passées par le chemin Roxham.

De mon point de vue, la question ne se pose pas : sans ces personnes, les salles ne seraient pas nettoyées, le matériel ne serait pas désinfecté, les repas ne seraient pas préparés. Bref, l’hôpital ne fonctionnerait pas. Je crois que nous devons nous féliciter que la situation américaine a forcé autant de gens à quitter en urgence les États-Unis juste à temps pour nous aider durant la pandémie actuelle.

Mon expérience est limitée à cet unique hôpital. Combien de ces demandeurs d’asile sont dans d’autres secteurs critiques de notre économie ? Plusieurs articles publiés dans La Presse soulignent leur apport essentiel dans notre chaîne alimentaire, que ce soit dans les champs ou dans les usines de transformation. La soudaine importance de la livraison dans notre économie confinée a aussi démontré leur importance dans les entrepôts et dans les transports.

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a annoncé la semaine dernière qu’elle reprenait le processus d’expulsions. Ces expulsions ont lieu alors que le programme d’accueil des « anges gardiens », limité au personnel ayant travaillé directement en santé, n’a même pas encore officiellement vu le jour. Nous perdons ainsi des personnes qui, depuis le début de la première vague en mars, supportent à bout de bras notre fragile économie.

J’en appelle au passé de comptable de notre premier ministre, François Legault. En excluant l’aspect humanitaire dans le fait de déporter une personne en pleine pandémie, est-ce que M. Legault a évalué à quel point nous avons besoin d’eux ? Nos hôpitaux font déjà des efforts colossaux simplement pour rester à flot. Que se passera-t-il si on perd la moitié de notre personnel ménager en milieu hospitalier ? De quoi aura l’air notre économie si on perd la moitié de notre personnel d’entrepôt ? De quoi auront l’air nos repas (confinés) des Fêtes si on perd la moitié de nos travailleurs en abattoir ?

Plusieurs personnes posent souvent la question à savoir si on peut se permettre d’accueillir toutes ces personnes issues de l’immigration. Je me demande si ce n’est pas plutôt la question inverse qui devrait être posée : est-ce qu’on peut se permettre de les déporter ?

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