François le père Noël a tranché et il n’autorise plus de rassemblements pendant le temps des Fêtes. Que voulez-vous ? Un contrat moral, c’est un peu comme une promesse électorale : ça vaut ce que ça vaut.

Si les positions du gouvernement ont vacillé au gré des niveaux de contamination, la méthode du premier ministre a été la même depuis le début. Il avait mis les possibilités de rencontres familiales conditionnelles à nos bons comportements. C’est une technique de motivation directement inspirée de ce que les parents font du père Noël pour manipuler les enfants. Si merveilleux et vachement pratique soit-il, il faut tout de même reconnaître qu’il y a quelque chose d’un peu vicieux avec cet outil de chantage infantile qu’est le père Noël. Et quand je dis vicieux, je ne parle pas ici de maman qui l’embrasse sous le gui en croyant les enfants bien endormis.

Je ne sais pas pour vous, mais dans mon bungalow, nous avons abusé à outrance des superpouvoirs de persuasion du barbu dodu plusieurs mois avant que les premiers flocons de neige ne recouvrent le gazon. Je le confesse et je convie même celui qui n’a jamais instrumentalisé ce personnage pour booster son autorité parentale de me lancer la première pierre, désinfectée de préférence. Le père Noël, cette arme de manipulation massive est si efficace que lorsque la fête arrive, qu’est-ce qu’on fait ? On pousse l’arnaque jusqu’à acheter un cadeau et leur faire croire que c’est ce barbu qui est passé par la cheminée pour leur laisser ce paquet. C’est comme si Marcel achetait à sa femme Ginette une belle robe avant de donner le paquet à son meilleur ami en lui disant : « Tu sais mon Jacques, ma femme Ginette t’aime ben gros. Alors, je vais mettre ton nom sur la boîte pour lui faire croire que c’est toi qui lui as acheté ce beau cadeau. J’ai payé, mais ça ne dérange pas pantoute que tu prennes tout le crédit. » Avouez que cette générosité détachée, semblable à ce qu’on fait avec le père Noël, n’est pas inscrite dans la génétique humaine. En tout cas, ce n’est probablement pas la meilleure manière de s’assurer que Ginette reste sage toute l’année, surtout si Jacques est moins vieux et plus entreprenant que notre version commerciale de saint Nicolas.

PHOTO FRANCOIS MORI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

« Je ne sais pas pour vous, mais dans mon bungalow, nous avons abusé à outrance des superpouvoirs de persuasion du barbu dodu plusieurs mois avant que les premiers flocons de neige ne recouvrent le gazon. Je le confesse et je convie même celui qui n’a jamais instrumentalisé ce personnage pour booster son autorité parentale de me lancer la première pierre, désinfectée de préférence », écrit Boucar Diouf.

Mais revenons à François le père Noël qui jonglait encore il y a trois jours avec la possibilité de permettre des rassemblements. Le grand problème avec François, c’est que même s’il est un politicien avec un programme et des stratèges autour de lui, sa tendresse pour les siens l’amène parfois à hésiter lorsque vient le temps de prendre une décision qui pourrait heurter notre sensibilité.

Or, ce désir irrépressible de becquer bobo national peut devenir rapidement un couteau à double tranchant en ces temps de turbulence. Il a voulu sauver Noël de tout son cœur, mais pressé par les mauvaises nouvelles, il n’avait plus le choix de résilier douloureusement le contrat moral. Il nous reste maintenant à encaisser la déception, user de pédagogie pour l’expliquer aux enfants et penser à des rencontres familiales en ligne. Bref, il faudra s’adapter.

J’ai interviewé un père Noël cette semaine et il m’a annoncé que même lui, si sociable et tactile, s’est mis à l’heure du virtuel dans son travail. Autrement dit, avant, il volait dans le ciel avec son traîneau et aujourd’hui, il fait ses rencontres dans le nuage. Mon ami Pierre Lévesque, qui s’occupait de la technique pendant cet enregistrement, a proposé de le rebaptiser Santa Cloud. Si le père Noël peut s’adapter à la pandémie, peut-être que le gouvernement a bien fait de demander clairement à la population de ne pas se rassembler.

Évidemment, la décision ne sera pas suivie scrupuleusement, mais il y a une grande différence entre donner le go et tricher malgré les injonctions de Legault.

Je parie ici qu’il y aura trois types d’adhésion à cette nouvelle ordonnance gouvernementale. Une bonne partie de la population respectera scrupuleusement l’interdiction. Une autre partie trichera de façon sécuritaire. Il y aura aussi malheureusement des gens qui prendront des risques non calculés et dommageables. C’est ce dernier groupe, combiné aux négationnistes de la pandémie, qui fera certainement grimper la courbe de contaminations après les Fêtes. Mais cette augmentation risque d’être bien moins élevée, car en plus ce grand nombre de citoyens qui respecteront la missive à la lettre, l’interdiction augmentera aussi la proportion de tricheurs qui redoubleront de prudence. Le résultat de tout ça sera donc certainement bien mieux que ce qui nous attendait avec la précédente décision gouvernementale qui agonisait depuis quelques jours et a fini par être débranchée jeudi. À juste raison d’ailleurs, car les hôpitaux commencent à manquer de place pour se payer le luxe de maintenir cette possibilité de rassemblement en vie artificielle. Autrement dit, fallait la débrancher pour laisser plus de place aux malades et aux soignants qui ont grandement besoin de cet oxygène.

En plus, au-delà des pièges sanitaires, il y avait aussi un gros risque politique autour de la première décision du gouvernement. En effet, advenant une flambée incontrôlable des cas après les Fêtes, « c’est lui qui nous a dit qu’on pouvait se rassembler », c’est beaucoup plus difficile à défendre politiquement que « nous voici dans la chnoute parce que la population n’a pas écouté mes directives ».

C’est vrai que Noël sans la famille et les grands-parents, c’est triste pour tout monde. Mais plus triste encore, c’est de voir grand-papa ou grand-maman tomber sur le champ de bataille alors que la cavalerie de vaccin qui vient au secours de l’humanité est si proche.

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