La fonction principale de la politique fiscale est de déterminer comment seront prélevées les recettes permettant de financer les dépenses d’un gouvernement. Le prélèvement de recettes suffisantes et stables est en général l’objectif poursuivi. En cette période de grande incertitude, le prochain budget nous révélera comment le gouvernement du Québec compte relever les défis qui se présentent à lui et s’il saura saisir l’occasion de faire des changements porteurs d’avenir.

Le poids de la fiscalité doit être maintenu constant

Les Québécois sont plus taxés que les contribuables des autres provinces et s’estiment majoritairement trop taxés. Cela est vrai, mais encore faut-il apporter certains bémols.

Premièrement, le poids de la fiscalité québécoise (toutes catégories de prélèvements confondues) par rapport au PIB est de l’ordre de 37 % en 2018 comparé à 33 % pour le reste du Canada. C’est attribuable en bonne partie au fait que le panier de services offert par le gouvernement du Québec est plus développé que ce qu’offrent les autres provinces.

Deuxièmement, diminuer de manière rapide et importante le fardeau fiscal des contribuables peut mettre en péril le financement pérenne des programmes publics.

La discipline budgétaire ne concerne pas que les dépenses, elle doit aussi prévaloir en matière de revenus et le gouvernement doit résister à la tentation d’accorder aujourd’hui des cadeaux fiscaux qu’il devra récupérer par la suite. On a déjà vu cela dans le passé.

Troisièmement, il faut tenir compte de l’équité entre les générations et éviter de transférer dans l’avenir un manque à gagner qui soulage les générations actuelles, mais augmente le fardeau des générations futures.

Des changements apparaissent cependant nécessaires

Plutôt que de chercher à diminuer le fardeau fiscal, le gouvernement du Québec devrait en ajuster les composantes en cherchant un rendement constant. Cela implique de procéder à des changements dans le poids relatif des divers prélèvements effectués et de mettre l’accent sur des éléments de taxation mieux en rapport avec les objectifs économiques et environnementaux qu’il poursuit. Je veux en donner trois exemples.

Le premier concerne l’impôt sur le revenu des particuliers. Le tiers des revenus autonomes du gouvernement du Québec provient de l’impôt sur le revenu des particuliers. Pour les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), c’est le quart seulement. Ils comblent cet écart en misant sur les taxes à la consommation, moins dommageables pour l’économie, comme l’ont démontré bien des études sur les effets comparés de ces types de prélèvements.

C’est d’ailleurs ce que recommandait en 2015 le Rapport final de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise : diminuer l’impôt sur le revenu en compensant par une hausse équivalente des taxes à la consommation.

L’assiette fiscale serait établie sur la base des dépenses de consommation réelles plutôt que sur la capacité théorique de dépenser. Cette orientation favoriserait l’épargne et l’investissement. Toutefois, à ce jour, malheureusement, aucune suite n’a été donnée à ce rapport.

Deuxième exemple d’un changement d’approche souhaitable : le développement d’une fiscalité environnementale et comportementale. L’écofiscalité, ou fiscalité verte, s’impose comme une tendance de plus en plus importante avec l’introduction de mesures comme la taxe sur le carbone, les taxes sur les carburants fossiles, les redevances sur l’eau potable et le traitement des eaux usées ou l’attribution de déductions fiscales sur l’utilisation des transports en commun.

La carotte et le bâton

En fait, il faut augmenter le recours à cet instrument en y allant de mesures moins timides. Ainsi, une forte augmentation de la taxe sur l’essence viendrait conforter les efforts en vue d’une transition vers des véhicules moins polluants. Donc, pas seulement encourager les consommateurs à acheter des véhicules électriques ou hybrides par des subventions, mais renforcer le changement de comportement en rendant les véhicules à essence moins intéressants financièrement. En fait, à la carotte, il faut ajouter le bâton en prévoyant simultanément des pénalités et des récompenses financières.

Dans ce cas-ci, on pourrait aller jusqu’à pénaliser par des taxes additionnelles les consommateurs qui maintiennent en circulation de vieux véhicules polluants ou achètent des véhicules neufs peu efficaces en termes de pollution.

L’application d’une approche bonus-malus devrait être systématisée : il faut que l’incitation soit double, à la fois positive et négative.

Troisième exemple d’un renouveau fiscal : la simplification. Uniquement pour les aînés, le régime fiscal est d’une grande complexité et, ce faisant, difficile à comprendre. À titre d’exemple, un document de l’ordre des CPA du Québec signalait en 2019 que pas moins de 16 mesures fiscales les concernaient dont quelques-unes sont présentées ci-après : le crédit d’impôt non remboursable pour personne vivant seule ; le crédit d’impôt non remboursable pour revenus de retraite ; le crédit d’impôt non remboursable pour frais médicaux ; le crédit d’impôt pour solidarité ; le crédit d’impôt remboursable pour maintien à domicile des aînés ; le crédit non remboursable pour déficience grave et prolongée des fonctions mentales ou physiques ; le crédit d’impôt remboursable pour frais engagés par un aîné pour maintenir son autonomie.

On pourrait trouver d’autres cas similaires. À l’évidence, la multiplication des mesures fiscales en rend non seulement la compréhension plus difficile, mais génère aussi une gestion plus complexe et plus coûteuse.

Répondre au souhait de plusieurs Québécois en réduisant leur fardeau fiscal est une tentation à laquelle le gouvernement est actuellement soumis, mais à laquelle il doit résister. Cependant, il ne faut pas s’arrêter là. La mise à niveau de la politique fiscale par un meilleur ajustement aux objectifs économiques et environnementaux du gouvernement est nécessaire, de même qu’est souhaitable un effort de simplification du régime fiscal.

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