Nous sommes professeures d’université, blanches, et nous souhaitons être des alliées des personnes de groupes sous-représentés dans notre milieu, et ce, même si nous savons que nos actions ne seront pas toujours à la hauteur et que nous nous tromperons à un moment ou un autre, que nous trébucherons.

Être alliées, c’est se questionner de façon continue afin de ne pas devenir complices des injustices qui touchent certains groupes sociaux, dont les membres de groupes racisés qui comprennent les personnes noires et des Premiers Peuples.

La semaine dernière, nous avons été secouées par les débats vifs et tendus au sujet du racisme en milieu universitaire et de la liberté académique. Les positions tranchées qui ont inondé l’espace public semblent malheureusement avoir laissé dans l’ombre l’enjeu de la justice sociale à l’université et du difficile chemin pour y parvenir.

Être des professeures alliées, c’est aussi réfléchir à la mission de l’université. Pour nous, l’université doit permettre d’analyser et de déconstruire des rapports sociaux inégaux, d’assurer un espace d’apprentissage sécuritaire pour tous, d’être un levier pour atteindre la démocratisation de l’éducation tant souhaitée au Québec depuis le rapport Parent. Dans le passé récent, l’université a permis à plusieurs groupes de s’émanciper et de transformer, du moins en partie, certains rapports inégalitaires. Nous n’avons qu’à penser aux francophones et aux femmes, par exemple.

Plus récemment, des moyens ont été déployés pour faire de nos universités des milieux plus inclusifs par un soutien accru aux étudiants en situation de handicap et avec des différences d’aptitudes afin de favoriser leur réussite et leur persévérance.

Dans la même lignée, nous pensons que l’université ne devrait plus être aveugle au racisme ; elle devrait lutter contre les rapports sociaux d’oppression et le racisme systémique.

Être des professeures alliées, c’est également porter la voix des personnes de groupes sous-représentés à l’université en sachant qu’on ne peut jamais remplacer leur prise de parole. De nombreuses recherches ont documenté l’expérience des étudiants racisés dont les personnes noires et des Premiers Peuples. Ces étudiants tendent à souligner l’existence d’une frontière liée à des rapports de pouvoir entre les membres du groupe majoritaire (qu’ils nomment les Blancs, c’est-à-dire les Québécois francophones) et les autres.

Ils relatent des situations de microagressions, paraissant banales aux yeux du groupe majoritaire. Ces microagressions prennent souvent la forme de l’humour, les ramenant constamment à leur altérité, à leur positionnement social vis-à-vis des rapports de pouvoir, qu’ils qualifient d’infériorisant. Ils soulignent également la perception de ces frontières sur le plan institutionnel dans le choix du personnel embauché, dans l’image de l’institution qu’ils perçoivent blanchisée, dans le curriculum trop souvent ethnocentrique ou raciste, et dans la vie étudiante. En raison d’un manque de diversité parmi le personnel de l’université, ils soulignent qu’il est difficile pour eux de se projeter, de s’identifier à cette institution d’enseignement supérieur.

Ces résultats de recherche permettent de réfléchir au-delà des politiques et des rhétoriques universitaires, valorisant formellement l’équité, la diversité et l’inclusion. Dans un contexte de massification de l’enseignement supérieur, la parole des étudiants interrogés permet de se questionner sur le rôle de l’université dans la transmission d’un savoir-être lié à l’inclusion à travers la pédagogie universitaire et le curriculum afin d’éviter de reproduire de manière inconsciente une idéologie blanche.

Cela inclut ce qu’on appelle en sociologie le « curriculum caché », qui comprend les normes et les valeurs qui sont construites dans l’informel, dans les discours et les interactions de tous les jours qui constituent l’expérience universitaire réelle.

La parole des étudiants appelle la décolonisation de l’université tant dans ses catégories, ses politiques, son curriculum, sa culture institutionnelle que dans la diversification des embauches de son personnel et dans son recrutement étudiant.

Il est indispensable d’appliquer la Loi sur l’accès à l'égalité en matière d’emploi dans des organismes publics, mais également d’aller au-delà. Une première piste d’action serait de mettre en place des formations destinées à l’ensemble des acteurs universitaires – des équipes de direction aux services des ressources humaines en passant par le personnel enseignant et de soutien – afin de sensibiliser, de conscientiser et de favoriser l’agir institutionnel antiraciste dans les universités québécoises.

Être alliées de nos collègues et de nos étudiants de groupes sous-représentés à l’université, c’est écouter ce qu’ils ont à dire pour mieux agir et transformer la culture universitaire.

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