« Ne t’en fais pas, tu auras d’autres enfants. »

« C’est probablement mieux ainsi, il était sûrement malade. »

« C’est arrivé parce que tu travaillais trop. »

Ces phrases peuvent avoir l’air banales, mais pour un parent endeuillé, les entendre fait l’effet d’un coup de couteau dans une plaie déjà bien ouverte.

Il y a près de quatre ans, je vivais l’improbable. Perdre mon bébé. Mon premier enfant. Mon garçon. Mon beau Marc-Édouard.

J’ai eu le grand privilège de le porter dans mon ventre pendant trois trimestres. Une grossesse donc à l’imaginer, à préparer sa venue chez nous, avec moi dans ma vie. Et puis, l’enveloppe qui le portait à fait défaut sans avertir et sans explications. La vie qui grouillait dans mon ventre s’est essoufflée, puis éteinte tout doucement. Faire sa rencontre, vivre une mortinaissance est certainement l’évènement à la fois le plus lumineux et le plus douloureux que j’ai vécu. Je le réalise un peu plus à chaque jour qui passe.

Malgré les circonstances pénibles, j’ai le souvenir d’un moment de grâce. Un grand rayon de soleil baignait la chambre alors que j’ai pu enfin le tenir dans mes bras. Beau comme un cœur, grand et fort ; impossible de comprendre pourquoi la vie me faisait ce pied-de-nez. Quand je refais le fil des évènements, je ne sais pas comment ni où j’ai pu trouver la force de le laisser partir. J’étais dévastée. Encore aujourd’hui, je me demande comment j’ai pu quitter l’hôpital sans lui, sur mes deux jambes, les bras vides, le cœur en morceaux et la tête dans un étau. C’est indescriptible et insoutenable.

Malgré ma douleur, j’ai choisi de faire confiance à la vie à nouveau et de garder bien vivant le projet d’avoir un autre enfant. Je remercie le ciel et la vie d’avoir pu revivre une, puis deux maternités à nouveau. C’est une bénédiction ni plus ni moins et je me surprends à me dire que mon bébé au ciel y est peut-être pour quelque chose. Il veille sur nous de là-haut, mais c’est moi qui devrais veiller sur lui. La vie continue autrement certes depuis ce jour, parsemée de hauts et de bas. Des vagues chargées d’émotions surviennent fréquemment. J’ai appris à les accueillir, à ne pas lutter, à y faire face, une à la fois. J’ai fait le choix consciemment d’y survivre et de vivre intensément et autrement.

Je suis persuadée d’être une mère plus aimante, d’être une femme plus humaine, d’être animée par une force et surtout de faire chaque jour des choix avec toute ma conscience, ma vulnérabilité et mon humanité. Faire l’expérience de la mort, c’est une belle leçon de vie.

Je compose mieux avec la maladresse de certains, bien que l’on ne s’y habitue pas et que l’on n’y soit pas nécessairement préparé. Je sais qu’il est difficile de se mettre à ma place. La mort est un sujet difficile à aborder pour plusieurs et devant le malaise, nombreux préféreront l’éviter. Pourtant la très grande majorité des parents voudront, un jour ou l’autre, parler de cet enfant dont les rêves et la vie se sont envolés. Le deuil est un long chemin parsemé parfois de lumière, parfois d’ombre. La lourdeur d’une telle perte ne se mesure pas à la courte durée du passage.

Le 15 octobre dernier était la Journée de sensibilisation au deuil périnatal. Plusieurs évènements et rassemblements ont dû être annulés en raison du contexte actuel. Les parents endeuillés n’en souffrent pas moins pour autant et bien les soutenir est important. Il existe aussi plusieurs ressources comme l’Association Parents Orphelins dont la mission est, entre autres, d’aider les parents à traverser l’épreuve difficile de perdre un bébé à terme ou dans sa première année de vie. De plus, des ouvrages et outils peuvent permettre de soutenir de manière douce et adéquate un proche vivant ces situations délicates. Quoi dire, quoi faire pour adoucir et afin de ne pas blesser un parent déjà écorché ? Dans ces moments-là, le livre d’Hélène Gérin, est une ressource extraordinaire à découvrir pour éviter de banaliser et de minimiser. Je peux en témoigner. Recevoir les bons mots et les bons gestes marqués d’une bonne intention peuvent certainement aider les parents endeuillés à travers cette épreuve de vie.

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