Le comité responsable d’évaluer l’application fédérale Alerte COVID invite Québec à revoir sa position.

En tant que membres québécois du comité d’experts responsable d’évaluer l’application fédérale Alerte COVID, nous étions déçus de l’annonce du gouvernement du Québec, le 25 août dernier, de ne pas soutenir le déploiement d’une application mobile « considérant la situation pandémique stable ».

Il nous aurait semblé prudent d’inviter la population à utiliser l’application avant l’arrivée d’une deuxième vague plutôt que de le faire en situation de crise, notamment afin d’avoir un taux plus élevé de participation et afin d’assurer une période d’arrimage entre les données et services provinciaux et l’application. Or, puisque nous sommes maintenant bien établis dans la « deuxième vague », cette décision mérite d’être révisée.

La décision du gouvernement de ne pas soutenir d’application a fait suite aux consultations particulières de la Commission des institutions, lors desquelles différents experts et parties prenantes se sont prononcés. Malheureusement, aucun expert de l’application fédéral n’a pu présenter les faits ou répondre directement aux considérations importantes qui en sont ressorties. Nous aimerions donc clarifier certains points.

Contrairement à ce qui a été véhiculé, l’application fédérale n’est pas obligatoire et ne recueille aucun renseignement permettant de vous identifier, et aucune information n’est partagée sans votre consentement.

Plutôt, la protection de la vie privée des utilisateurs est au cœur de l’application, et protégée à un niveau qui donne une confiance extrême aux experts l’ayant analysée en profondeur, notamment le commissaire à la vie privée du Canada, de l’Ontario, plusieurs avocats spécialisés dans le domaine, les experts techniques en sécurité de Shopify, de BlackBerry et d’Element AI, et ceux du service canadien du renseignement (afin de vérifier sa vulnérabilité au piratage), pour ne nommer que ceux-ci.

Un outil de plus

L’application est conçue comme un outil additionnel dans notre lutte contre la propagation du virus, au même titre que le masque et la distanciation physique. Elle bénéficie de l’apport direct d’experts en santé publique, des expériences vécues dans d’autres pays, et corrige le tir là où cela est nécessaire.

Il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’une application de traçage mais bien d’une application de notification d’exposition.

La différence est majeure. Sans possibilité de suivre les utilisateurs, celle-ci permet : de recevoir une notification si vous avez possiblement été exposé à la COVID-19 ; d’obtenir une recommandation sur la prochaine étape à suivre selon la province ; et d’informer les utilisateurs de l’application qui se trouvent à proximité si vous avez reçu un résultat positif au test de la COVID-19. L’application est de plus déjà déployée depuis quelque temps en Ontario, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador, avec succès.

L’application peut donc être est un outil particulièrement utile dans notre objectif commun de limiter l’ampleur de la contagion associée à la « deuxième vague ». Comme le décrivait lui-même le ministre Dubé, les équipes d’enquête de la Santé publique font face à d’immenses difficultés en matière de traçage, et celles-ci ne feront que s’accentuer. De l’avis de la grande majorité des experts (et notre expérience de la première vague), ces méthodes traditionnelles de traçage, utilisées seules, ne seront tout simplement pas suffisantes.

Bien que fiers supporters de la capacité technologique québécoise (et participants dans cet écosystème !), nous ne voyons pas l’intérêt pour le Québec de développer sa propre application alors qu’une application canadienne, ayant été développée avec la participation de nombreux Québécois et Québécoises, est déjà disponible, prouvée « sur le terrain », sécuritaire et gratuite.

Nous espérons donc que le gouvernement révisera sa position et se joindra aux provinces qui ont déjà adopté et déployé l’application, en étant fier de l’importante participation du Québec dans son élaboration.

Consultez la page d'Alerte COVID

*Jean-François Gagné est également directeur général et fondateur de l’entreprise Element AI ; Eloïse Gratton est associée, cybersécurité, respect de la vie privée et protection des renseignements personnels, Borden Ladner Gervais ; Derek Ruths est professeur agrégé, École d’informatique, Université McGill

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