Le premier ministre du Québec, François Legault, a récemment exprimé son hésitation au sujet de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

La justification de sa décision porte notamment sur le risque d’accorder un droit de veto aux Premières Nations et aux Inuits sur les grands projets de développement économique : « Oui pour travailler ensemble [avec les Premières Nations et les Inuits], non pour donner un droit de veto… il faut être très prudent avec la Déclaration des Nations unies… [et] avec cette reconnaissance-là »*, a-t-il indiqué à Chibougamau le 14 août dernier. Il nous semble que la déclaration du premier ministre est malvenue, car elle porte sur l’accessoire et oublie l’essentiel en faisant fi d’une grande dynamique sociopolitique à l’œuvre véhiculée par l’importance de l’acceptabilité sociale au XXIe siècle.

Les articles 10, 19, 29 et 32 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ouvrent le débat du droit de veto (sans qu’un consensus ne se dégage dans les sphères académique et légale). De manière plus explicite et moins disputée, ces articles stipulent qu’un consentement préalable, libre et éclairé doit être donné par les peuples autochtones afin qu’un projet ait lieu sur leurs territoires. Ce consentement requiert donc une consultation préalable.

Or, refuser le droit de veto en reconnaissant le consentement préalable, libre et éclairé reviendrait à supposer que tout processus de consultation doit mener à l’acceptabilité sociale.

Cela est contradictoire, car la définition même de l’acceptabilité sociale suppose que les parties prenantes peuvent préférer le statu quo au projet qui leur est proposé. Tout processus de consultation devrait donc en théorie pouvoir mener à un refus. Il nous semble alors que l’une des priorités du discours politique devrait plutôt être de rappeler aux promoteurs l’importance de l’acceptabilité sociale pour tout projet de développement économique. Le véritable enjeu est alors celui qui entoure l’ensemble des mesures que le promoteur doit mettre en place pour rendre un projet plus acceptable sur le plan social, environnemental et économique.

Que l’on positionne le débat autour de l’acceptabilité sociale ou sur le consentement préalable, libre et éclairé, la dynamique reste inchangée : la multiplication des centres de pouvoir, l’intelligence collective en matière d’enjeux environnementaux et sociaux, la démocratisation des réseaux sociaux et l’infrastructure institutionnelle entourant le développement durable font en sorte que tout projet qui ne s’inscrit pas dans une perspective de développement durable fera face au tourbillon social, souvent au détriment du projet et de son promoteur, dont la réputation sera considérablement ternie.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que le fait de centrer le débat sur la notion de « veto » sur les grands projets de développement nous semble dépassé si nous la considérons du point de vue de l’acceptabilité sociale.

Il n’y aucun seuil mathématique pour déterminer l’acceptabilité sociale d’un projet ; il s’agit d’un jugement collectif plutôt subjectif. Par ailleurs, il est vrai que certains projets, du fait de leur nature, suscitent plus de désaccord que d’autres. Mais l’histoire récente suggère également qu’aucun projet ne peut être entièrement consensuel. Les promoteurs doivent surtout s’assurer d’entendre toutes les voix : celles des plus forts, mais aussi celles des plus silencieux et ayant peu de pouvoir. Dans cette perspective, il faudrait plutôt, et de manière pragmatique, se tourner vers des modes participatifs qui intègrent les diverses parties prenantes dans la prise de décision publique en matière de grands projets à fort impact.

En définitive, dans un contexte où le développement durable est omniprésent dans nos sociétés, il faut reconnaître et valoriser la sagesse et les valeurs des peuples autochtones qui ont su, au fil des siècles, maintenir un style de vie durable. Quand il s’agit de protéger notre environnement, nul n’est mieux placé que les peuples autochtones pour nous montrer la voie. Nous sommes tous concernés par la protection de l’environnement. Il est donc temps de reconnaître que le consentement préalable, libre et éclairé (avec possibilité de refus d’un projet) est un droit fondamental des peuples autochtones et non pas un programme politique caché. Il est également tout aussi important de reconnaître que sans acceptabilité sociale des parties prenantes, il ne peut y avoir de projets de développement économique au Québec. *

* Lisez « Non à un droit de veto aux Autochtones, dit Legault »

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