À la suite de protestations récentes contre la violence policière, le mouvement pour le définancement de la police a pris de l’ampleur. Or, ce mouvement est essentiellement politique et n’est basé sur aucune science. Le mouvement MDP150 ne présente aucune étude et lance des phrases comme les suivantes « La police a été établie pour protéger les intérêts des gens riches », « La police ne peut être réformée », « La police criminalise les gens à la peau foncée et les envoient en prison pour s’assurer que les blancs préservent leurs privilèges ».

L’idée défendue par les partisans du définancement est que plusieurs tâches policières pourraient être effectuées par d’autres types d’employés qui seraient peut-être plus qualifiés, notamment dans le domaine d’intervention en matière de santé mentale, d’itinérance ou de toxicomanie. Si envoyer un travailleur social répondre à un appel logé au 911 pour une violence conjugale serait totalement irresponsable et dangereux, tant pour l’intervenant que pour la victime de violence conjugale (il faut parfois agir vite et défoncer une porte puisqu’une personne peut être en danger imminent), certaines initiatives récentes effectuées dans divers services de police au Québec montrent des résultats encourageants. Par exemple, avoir des équipes d’intervention psychosociales disponibles pour intervenir une fois que les policiers ont sécurisé une situation. Bref, la police peut être réformée et améliorée. Des formations sur l’intervention dans des milieux ethniques, sur l’intervention en situation de crise ou sur d’autres questions doivent être poussées. On pourrait aussi diversifier l’embauche des policiers pour qu’ils représentent un plus grand pan de la société.

Définancer en coupant les budgets des services de police aurait nécessairement pour conséquence une baisse des services rendus à la population avec une hausse du temps de réponse aux appels urgents, une présence moins grande dans nos communautés, moins d’enquêtes et moins d’études sur les phénomènes criminels. Le mouvement de définancement indique que les sommes coupées aideront à réduire la pauvreté et devrait ainsi réduire la criminalité. Cela reste à être prouvé puisque les études criminologiques ne montrent pas qu’injecter de l’argent dans les services sociaux fera baisser le crime. On pourrait donner 100 millions de dollars de plus pour du logement social, pour des services de santé mentale, mais il restera toujours un grand nombre d’hommes et des femmes qui conduisent leur véhicule en état d’ébriété, qui fraudent, consomment des drogues dures, volent, violent et tuent.

On cite souvent l’exemple de la ville de Camden, au New Jersey, qui a connu une baisse de sa criminalité lorsque le service de police a été coupé de moitié par manque de ressources fiscales. Or, Camden est un très mauvais exemple, puisque c’est presque une zone de guerre. Avec une population de 77 000 personnes (Brossard a une population de 87 000 et Drummondville de 75 000 personnes), Camden a eu 67 homicides en 2012 et 25 l’an dernier. Brossard et Drummondville sont plus proches du 0 homicide par an. Il n’existe à ce jour aucun exemple de définancement de la police qui soit concluant. Mais il existe de nombreux exemples où une neutralisation de la police est liée à une explosion de la criminalité, soit lors de catastrophes naturelles, d’émeutes ou de conflits armés.

L’histoire de l’humanité montre que c’est l’appesantissement de l’État et l’instauration d’un système de justice qui ont permis de faire reculer la violence dans les sociétés. Il existe encore aujourd’hui des pays et endroits où la police n’est pas présente ou trop corrompue pour agir, et ces endroits montrent des taux de violence extrêmement élevés (El Salvador, Haïti, Mali, etc…). Sans police, c’est le chaos. Thomas Hobbes disait que dans l’état de nature l’homme vivait une vie « solitary, poor, nasty, brutish and short ».

Diminuer les ressources policières amènerait une baisse des risques qu’encourent les criminels et ce seraient les secteurs défavorisés des villes qui encaisseraient le coup. Les secteurs des villes où on retrouve davantage d’immigrants récents seraient davantage impactés par une baisse de présence policière. Or, ne pas assurer à tous les Canadiens, peu importe leur origine ethnique ou leur statut social, un même niveau de protection face à la criminalité équivaudrait à supporter un système de justice raciste.

Avant de limiter la présence policière dans les quartiers défavorisés, il faudrait peut-être demander aux résidants des quartiers ce qu’ils en pensent ?

Au Canada, nous avons systématiquement sous-financé les services de police des milieux autochtones et avons mis la pédale douce sur la répression de la criminalité des membres des Premières Nations. Depuis la cause Gladue (1999), les juges doivent tenir compte des circonstances de désavantage structurel des autochtones et proposer des peines moins lourdes. Or, la faible attention policière et les décisions molles des agences judiciaires font en sorte que l’impunité règne dans certaines communautés et il en résulte des niveaux élevés de violence physique et sexuelle contre les femmes et les enfants. Cette violence entretient ces communautés dans une pauvreté permanente. Pour aider les communautés autochtones à sortir de la pauvreté, il faudrait d’abord enrayer la violence. Si nous sommes habitués de penser que la pauvreté cause la violence, il faut aussi réaliser que la violence cause la pauvreté.

Nous vivons actuellement dans une société qui n’a jamais été aussi sûre. Nos grandes villes ont vu reculer énormément la violence depuis les 40 dernières années. Les baisses s’expliquent par différents facteurs démographiques et économiques, par l’amélioration des technologies (caméras, ADN), mais aussi par une police plus efficace. On peut se promener dans nos villes, partout et à toute heure de la journée, sans trop craindre de se faire attaquer. Le niveau de sécurité exceptionnel de nos grandes villes est un atout important que nous avons dans la création de la richesse collective. La sécurité de nos villes permet d’attirer des étudiants internationaux, des migrants prêts à travailler, des touristes. Alors, on prend le risque de revenir en arrière ?

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion