Aux premières lueurs du printemps, le 4 avril dernier, un pionnier du développement de la santé maternelle, par la pratique obstétricale de l’acupuncture au Québec, nous a quittés subitement. Un être passionné et singulier, visionnaire aussi, qui a contribué à la naissance de centaines de bébés et à l’accompagnement de leurs mères pendant la grossesse, lors de l’accouchement et en post-partum.

À l’image du Dr Frédéric Leboyer, qui lui s’est inspiré de ses voyages en Inde pour humaniser la naissance, Jean Lévesque a transposé le savoir millénaire d’Orient, tel que reçu en France, en particulier à l’Hôpital universitaire Carémeau de Nîmes où il se rend dès 1995. Il intègre ensuite ces connaissances dans sa pratique thérapeutique et dans son enseignement pour œuvrer à la santé gynécologique et obstétrique des femmes.

Responsable des stages d’acupuncture appliquée à l’obstétrique à l’hôpital Sainte-Justine (1997 à 1999), puis à l’hôpital de LaSalle (2000 à 2015), c’est grâce à lui que les femmes peuvent maintenant bénéficier du trio-équipe médecins-acupuncteurs et sages-femmes, tant en salle d’accouchement qu’en clinique de grossesse à risque élevé (GARE), dans de nombreux hôpitaux au Québec.

Cela prenait du courage, voire même de l’audace pour se faire reconnaître par le corps médical et obtenir une place pour son enseignement au CHU Sainte Justine, où j’ai été suivie et où j’ai accouché en 1999.

Il a su incorporer à l’approche médicale occidentale les savoirs millénaires fondés sur l’énergie vitale, disséminée à travers les canaux des méridiens. Les résultats étaient probants. L’acupuncture, qu’il m’a fait découvrir, est une pratique ancestrale chinoise qui allie l’art et la science. Il personnifiait lui-même les deux. Doté d’un esprit libre et d’une nature ardente, il aimait la vie au plus haut point. C’est pourquoi il était la meilleure personne pour l’accueillir en chaque nouvel être. Son bureau était serti des photographies des bébés qu’il avait accompagnés, chacun étant pour lui tant l’incarnation de la liberté de changer le monde et de la pluralité humaine, à l’image d’Hannah Arendt.

PHOTO FOURNIE PAR L’AUTEURE

La mosaïque de photos de bébés qui ornait le bureau de Jean Lévesque. Alix, fille de l’auteure de ce texte, y figure au centre (avec une serviette bleue).

Attentif à ses patientes, il était doté d’un sens de l’écoute unique. Il comprenait ce qui accompagne la grossesse, qui touche à l’indicible. Il savait décrypter le mystère des mères. Il savait aussi, par ses soins, parler au cœur des futures mères pour leur permettre d’accueillir la vie nichée au plus profond d’elle-même.

Pour dispenser son enseignement, il ne cessait d’approfondir ses connaissances et de retourner aux origines du savoir.

Son bureau débordait d’ouvrages rares des années 40 ou 50 sur l’acupuncture. Par un beau retournement des choses, lui qui a été un défricheur masculin, voilà que sa relève est presque entièrement féminine. Pour cette nouvelle génération d’acupunctrices en obstétrique gynécologique, il fut plus qu’un professeur ; il demeure un mentor.

Grâce à ses bons soins, ma fille Alix a vu le jour il y a 21 ans. Elle incarne le meilleur de ses deux parents. Ma plus grande fierté est de voir ce qu’elle apporte au monde.

Il a incarné de la plus belle façon comment chaque être peut transfigurer sa vie en plus grand que soi.

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