La vague de dénonciations sur les réseaux sociaux nous montre comment la culture du viol est bien ancrée. À la suite de la publication de l’article de Kharoll-Ann Souffrant intitulé « L’entonnoir »*, le 10 juillet dans La Presse, je ne pouvais pas rester silencieuse. Je suis indignée du traitement réservé aux survivantes et aux victimes qui dénoncent.

Plusieurs se demandent pourquoi les victimes ne portent pas plainte, pourquoi elles ne vont pas voir la police, pourquoi elles n’ont pas dénoncé avant. Et vous savez quoi ? Autrefois, je me posais exactement ces mêmes questions.

Jusqu’au jour où j’ai écouté des histoires de survivants et que je suis devenue une survivante moi-même. Autrefois, je me disais que si une telle situation m’arrivait, j’irais voir directement la police, prendrais un avocat et gagnerais ma cause. J’allais être la « victime parfaite ». Je saurais exactement quoi faire, comment réagir et poser toutes les « bonnes » actions pour me défendre. Or, j’ai fini par comprendre que ce scénario que j’avais en tête était une distorsion de la réalité. Sans le savoir, il pouvait contribuer à me culpabiliser, à banaliser mon vécu et à me mettre une pression insoutenable qui affecterait ma santé mentale et mon bien-être. Aujourd’hui, j’ai pardonné à la jeune fille en moi qui était dure envers elle-même et j’ai réalisé l’importance de la santé mentale avant toute chose.

Prendre soin de notre santé mentale avant tout

Nous avons le réflexe de dire aux victimes/survivantes d’aller voir la police, d’amorcer des procédures judiciaires ou d’aller chercher les ressources nécessaires pour de l’aide. Bien que ces éléments soient importants à prendre en considération et que notre entourage souhaite le mieux pour nous, nous oublions les conséquences psychologiques et émotionnelles d’être victime d’une agression sexuelle.

La Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal explique bien certains des impacts possibles : les chocs post-traumatiques, les flash-back, l’anxiété, le sentiment de culpabilité, la honte, l’humiliation, l’isolement, la douleur ou encore la peur. Ce sont des sentiments souvent ressentis par les victimes/survivantes qui les empêchent de suivre le chemin « parfait » pour briser le silence auprès des proches.

Le processus de guérison n’est pas linéaire et ne se fait pas à un temps précis. Nous devons nous assurer de respecter les limites des victimes/survivantes.

Tout cela peut être fait si nous avons la capacité d’humaniser les victimes/survivantes et que ces dernières se sentent validées, écoutées, accompagnées et respectées. La décision de dénoncer publiquement ou non appartient aux personnes survivantes. Elles sont les seules expertes de leur situation et les mieux placées pour identifier ce dont elles ont besoin. Il ne faut pas nier les risques de dénoncer sur les réseaux sociaux, une raison de plus pour accompagner les victimes et non les juger. Nous n’avons pas toute l’information sur ce qui a mené certaines survivantes à faire ce choix.

Les violences sexuelles sont aussi multidimensionnelles

La violence sexuelle se conjugue avec d’autres violences systémiques. Il est primordial d’établir un dialogue sur la manière de mieux accompagner les victimes des violences sexuelles, incluant celles issues des communautés noires. Alors que nous avons assisté à de grandes manifestations contre la brutalité policière tant aux États-Unis qu’au Québec, il est important de comprendre qu’une femme noire ne souhaite pas nécessairement aller dénoncer un proche à la police, dans bien des cas en raison du profilage racial et des multiples préjugés et stéréotypes véhiculés envers sa communauté. Cela peut se conjuguer avec d’autres formes de violences auprès des personnes issues des communautés LGBTQ+, autochtones, interculturelles, des travailleuses du sexe et de toutes les victimes et les survivantes en marge ou exclues dans les débats publics.

Prenons en considération les multiples violences et la pluralité des expériences pour trouver les meilleurs moyens de soutenir toutes les victimes et les survivantes selon leur réalité et leur vécu. Accompagnons-les avec empathie et bienveillance, afin qu’elles puissent se sentir dans un espace sécuritaire et solidaire.

* Lisez « L'entonnoir »

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