Centre d’hébergement, jour de déconfinement. Le soleil brille à travers les grandes vitres du salon des résidants.

Quelques-uns y sont à socialiser ou à regarder la télévision ; une vision étrange dans cette pièce déserte à peine quelques jours plus tôt. Bien que nous soyons encore sur nos gardes, les sentiments d’urgence et de panique qui avaient envahi le centre se sont dissipés et je peux enfin entamer une réflexion sur mon expérience des dernières semaines.

Comme plusieurs collègues, je suis allée prêter main-forte en CHSLD durant la crise. J’ai été témoin du dévouement du personnel médical et de soutien malgré la fatigue et le stress occasionnés par les heures supplémentaires, le manque de personnel et l’adaptation constante à de nouvelles mesures de gestion de crise.

J’ai constaté la vulnérabilité des résidants à la santé détériorée de façon dramatique non seulement par la COVID-19, mais également par les mesures de prévention. C’est une chose d’apprendre en classe que l’isolement social est un facteur de risque de mortalité ; c’en est une autre de lire la détresse dans les yeux des résidants confinés à leur chambre pendant des mois.

Aujourd’hui, cependant, la vie reprend tranquillement, les sourires aussi. Je me dis qu’il s’agit d’un petit miracle que le fort ait somme toute tenu le coup de la première vague tout en doutant fortement que notre système, dans son état actuel, arrive à survivre à une succession de crises sanitaires.

Or, nous savons que de telles crises, à l’échelle mondiale ou locale, surviendront inévitablement encore, exacerbées par les changements climatiques et les bouleversements écologiques. L’augmentation dans la fréquence et l’intensité des épisodes de chaleur extrême et des catastrophes météorologiques comme les incendies de forêt et les inondations, l’émergence de zoonoses (dont la COVID-19) et de maladies à transmission vectorielle, et l’insécurité alimentaire et hydrique sont des exemples des conséquences des changements climatiques ayant des effets dévastateurs sur la santé humaine, au point où l’Organisation mondiale de la santé considère le changement climatique comme étant la principale menace à la santé au XXIe siècle. La pollution atmosphérique, découlant des mêmes procédés responsables d’émissions de gaz à effet de serre, augmente également le risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires et est responsable de 14 000 morts par an au Canada.

Tout comme la COVID-19, plusieurs de ces impacts toucheront disproportionnellement les personnes les plus vulnérables, et ce, dans un contexte où les inégalités sociales pourraient être de plus en plus marquées à chaque crise. Si nous, futurs médecins, voulons assumer notre responsabilité sociale de promouvoir la santé, en particulier celle des plus vulnérables, il est de notre devoir d’appuyer des mesures en faveur d’une économie plus verte au service des gens et de l’environnement. En effet, comment se contenter de tenter de soigner un patient souffrant d’une maladie pulmonaire si la source de celle-ci est aussi inévitable que l’air que l’on respire ?

La relance économique de l’après-crise serait l’occasion parfaite de rebâtir notre société sur de nouvelles bases avec des solutions communes aux crises climatiques, sanitaires, économiques et sociales.

L’Association canadienne des médecins pour l’environnement vient à ce titre de publier un rapport contenant 25 recommandations destinées au gouvernement fédéral afin de stimuler une relance économique au service de la santé et de l’environnement. Ces recommandations feraient passer le nombre d’emplois verts à temps plein au pays de 210 000 en 2020 à 1,5 million en 2050, permettant d’atteindre les cibles de l’accord de Paris pour 2030 et l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050.

L’atteinte de ces objectifs permettrait de sauver plus de 110 000 vies au Canada entre 2030 et 2050 uniquement par l’amélioration de la qualité de l’air qui en découle. Une telle relance, au service des gens et de l’environnement, est indispensable afin de prévenir des milliers de morts évitables. Il est temps pour notre gouvernement de reconnaître l’urgence de la situation et d’employer les moyens appropriés pour y remédier.

*L’auteure est titulaire d’un doctorat en écologie à l’Université de Sherbrooke et est membre de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement.

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