J’exploite un restaurant familial et touristique dans la région du Bas-Saint-Laurent. J’ai appris que le 15 juin, nous aurons le droit d’ouvrir nos salles à manger et nos terrasses, comme partout au Québec, mis à part la région métropolitaine.

Cette nouvelle devrait me réjouir, mais je demeure perplexe et confus. Les mesures préconisées ne me paraissent pas réalistes. J’opère déjà en formule à emporter et il est difficile par moments de faire respecter les règles de distanciation dans la file d’attente et les zones prévues à cette fin.

Un restaurant étant un lieu de rencontre et de convivialité où l’on offre de profiter des plaisirs de la table dans une ambiance décontractée et chaleureuse, le port d’un masque et d’une visière par le personnel en salle à manger et les restrictions de mouvement des convives vont à l’encontre de notre principal mandat.

Mais est-ce que ces mesures sont réellement nécessaires et efficaces ?

Un restaurant est un lieu où il fait bon échanger et être avec l’autre dans un espace restreint sur une période pouvant durer plusieurs heures. Les mesures préconisées ne seront pas efficaces pour la clientèle qui, malgré le respect des règles, se retrouvera dans un lieu où le virus a de bonnes chances de circuler.

Il est utopique de croire qu’il sera possible de tout stériliser entre chaque tablée. Les surfaces présentant un risque de contact sont nombreuses : tables, banquettes, chaises, comptoirs, poubelles, poignées, machines de paiement, murets, portes, fenêtres, et j’en passe…

Le personnel en salle sera en contact avec la vaisselle utilisée par la clientèle et devra, après avoir débarrassé les tables, se laver les mains et éviter tout contact avec leurs instruments de protection ou toute autre surface, ce qui ajoute une complexité logistique.

Un restaurant est un lieu où il y a beaucoup de gens qui circulent en même temps, à l’arrivée, aux caisses et en salles de bains – les heures de repas étant similaires pour tous. Contrairement aux magasins à grande surface, où l’on témoigne déjà que la distanciation n’est pas toujours respectée, les heures d’affluence dans les restaurants sont plus condensées et l’espace, plus restreint.

Je ne vois pas comment on peut envisager de faire respecter une distance de 2 mètres si ce n’est en disposant les tables à 4 mètres les unes des autres afin d’éviter tout rapprochement, notamment dans les zones de circulation. Ce qui ne serait pas réalisable dans la majorité des restaurants du Québec, et certainement pas de façon rentable avec nos marges de profits déjà minces.

J’en conclus que la Santé publique, étant consciente de l’impossibilité de prémunir les clients contre tout risque de contagion, considère que ce risque est mineur pour la population.

Plutôt que d’imposer autant de restrictions, qu’elle admette simplement que les restaurants, dans leur essence, seront sans aucun doute des zones où le virus sera présent. Et qu’il revient au gouvernement d’informer adéquatement la population à cet égard !

Il me semble que certaines informations d’intérêt ne sont pas divulguées.

Si tel est le cas, je leur prie de nous donner l’heure juste et leur aval pour une ouverture beaucoup moins restrictive, quitte à restreindre l’accès des salles à manger et des terrasses aux individus plus à risque.

Si, par contre, les risques sont trop élevés, je considère qu’il serait dans l’intérêt commun de reporter l’ouverture des restaurants jusqu’à ce que les données soit en faveur d’une ouverture plus normale.

Il ne faut pas se leurrer : l’activité d’un restaurant est généralement condensée sur une période relativement courte et dans des zones plutôt restreintes. Ce qui en fait des lieux de contact inévitable !

Je crois que si le moment est venu pour nous tous, citoyens, d’assumer le risque de propagation, qu’on nous le dise franchement et qu’on fasse de notre mieux pour protéger la population à risque. Si ce moment n’est pas venu, que les salles à manger et terrasses restent fermées !

Dans les dernières semaines, les gens ont recommencé à se fréquenter et à socialiser, comme le veut la nature humaine. En tant que chef propriétaire, ma vocation est de partager mes plats avec le plus grand nombre de visiteurs à l’appétit festif.

Autant j’ai hâte de les retrouver, autant je suis anxieux et triste à l’idée de les accueillir dans des conditions sécuritaires qui pourraient être insuffisantes, dans une atmosphère tiède et stérilisée, avec un masque à la place d’un sourire.

Si la décision de la Santé publique d’ouvrir les salles à manger et terrasses est confirmée dans de telles conditions, les restaurateurs seront confrontés à un choix : ouvrir et tenter l’impossible tâche de conserver les lieux désinfectés et assumer eux-mêmes le risque et les aléas que les mouvements de foule peuvent comporter, ou garder leurs portes fermées et tenter de gérer la clientèle qui ne comprendra pas toujours une telle décision.

Les gens se déplaceront assurément à travers le Québec pour profiter de la belle saison ! Ils seront moins nombreux, certes, mais ils seront au rendez-vous et auront tous faim aux mêmes heures !

Je remercie donc d’avance les autorités de nous accompagner dans cette transition avec toute la transparence que nous méritons, afin que nous puissions en toute connaissance de cause choisir la bonne formule, et que la population en soit avisée.

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