Le 20 mai dernier, le Mouvement Jeunes et santé mentale devait être entendu à la Commission sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (commission Laurent). Devait, parce que, dans la situation de pandémie, les audiences ont été partiellement annulées et reportées en téléconférence.

Ainsi, il y a quelques semaines, nous avons eu confirmation que nous devrions déposer, au plus tard, notre mémoire au 26 mai, et ce, sans pouvoir être entendus. L’écriture de notre mémoire était alors en pause : la pandémie avait interrompu nos rencontres et nos travaux. Nous avons tenté de reprendre le fil, par visiorencontre, pour réaliser que de rouvrir nos histoires dans le contexte, dans des délais serrés, était mission impossible.

Pour plusieurs, la situation de la pandémie occasionne du stress accru ou de l’anxiété. Pour certains, le confinement révèle également un syndrome de stress post-traumatique. C’est le cas pour certains militants du Mouvement, passés par les centres jeunesse et la DPJ. Ainsi, de devoir ouvrir davantage les plaies et livrer un témoignage, alors qu’il est impossible d’être ensemble, de nous soutenir au quotidien, d’avoir accès aux intervenants qui nous soutenaient habituellement et de nous prendre dans nos bras, c’est trop.

Nous avons donc privilégié la santé mentale de notre gang, et fait le deuil d’une contribution à la commission Laurent.

Or, le Mouvement n’a pas dit son dernier mot sur ce sujet, parce que, oui, nous aurions et nous aurons des choses à dire sur le sujet de la protection de la jeunesse et la santé mentale. Nous aurons à parler de la manière dont on médicalise, on diagnostique et on étiquette les enfants et les jeunes, à défaut de pouvoir leur offrir le soutien et l’accompagnement dont ils et elles auraient besoin. Nous voudrons dénoncer les mesures de contrôle (isolement, mise en retrait, contention physique et chimique) utilisées à l’encontre de certains jeunes placés, mesures qui ont un impact sur leur santé mentale et physique pendant des décennies. Nous serons là pour nommer cette « transition » à l’âge adulte que nous proposons à des jeunes envoyés à la rue, à 18 ans, avec leurs maigres possessions dans un sac de poubelle. Nous dénoncerons que la plupart des jeunes sortent parfois, souvent, en étant peu ou mal préparés à la vie adulte et à la « liberté » et se retrouvent sans soutien familial ou professionnel.

Nous répéterons également nos revendications, que nous portons inlassablement depuis 2016 et qui sont appuyées par plus de 1478 personnes et 115 organisations, toutes signataires de la Déclaration commune, pour un total de 1788 appuis.

Nous réitérerons que les jeunes doivent être entendus et écoutés dans leurs besoins (ils sont les premiers experts de leur situation).

Que l’accompagnement psychosocial et les alternatives à la médication doivent être accessibles et gratuits pour tous. Que les droits en santé mentale doivent être réalisés et respectés. Qu’une commission sur la médicalisation des difficultés vécues par les jeunes doit être mise sur pied pour permettre un véritable débat public sur la manière dont nous médicamentons des jeunes marginalisés, des jeunes qui dérangent, plutôt que d’écouter leur histoire, tabler sur leurs forces et les appuyer afin d’améliorer leurs conditions d’existence.

Notre santé mentale ne s’entendait pas avec les délais de la Commission, et nous avons décidé de l’écouter. Nous créerons donc notre propre rendez-vous, une fois cette vague pandémique derrière nous, pour parler de ces situations et faire entendre nos revendications. Parce que, pandémie ou pas, la médicalisation des jeunes demeure malheureusement un sujet d’actualité.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion