C’est rare que je m’exprime, mais je devais le faire pour un sujet qui me tient à cœur. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, j’ai vécu beaucoup de belles choses : des patients reconnaissants, des remerciements chaleureux. Cependant, j’ai aussi observé une méconnaissance et une incompréhension impressionnantes de ma profession, autant au sein du public, des dirigeants et même de certains autres professionnels de la santé.

Des collègues pharmaciens dont l’aide est refusée en CHSLD, car le CISSS « cherche plutôt des bénévoles ayant de l’expérience en santé », aux infirmières de la Santé publique qui clament que nous ne sommes « pas des professionnels de la santé en contact avec le public », les histoires sont nombreuses.

Plutôt que de m’indigner, j’ai choisi de prendre cette occasion pour expliquer un peu la nature de notre travail ! Je partage donc quelques extraits d’un dimanche typique dans ma vie de pharmacienne en ces temps de pandémie.

J’arrive à la pharmacie, je désinfecte mon poste, j’enfile mon masque, ma visière et mes gants. Équipement crucial pour protéger mes patients que je vois encore pour certains services essentiels, protéger mon équipe et me protéger moi-même.

Un père inquiet vient me voir avec son bébé de 5 mois qui a des plaques rouges sur la peau depuis quelques jours. Le petit semble incommodé et il est plus irritable. Les cliniques médicales étant fermées, le père craint de devoir l’emmener aux urgences. Je lui recommande des traitements et des mesures complémentaires et je planifie un suivi avec lui dans trois jours.

Mes collègues techniciennes ont eu le temps de préparer une dizaine de paniers. Je vérifie que les médicaments préparés sont les bons et qu’ils sont toujours adéquats selon la condition de chaque patient.

Le téléphone sonne : c’est l’infirmière auxiliaire de l’une des résidences pour personnes âgées qu’on dessert : Mme R se réveille avec des sueurs et des maux de tête depuis deux jours puisque son taux de sucre est trop bas. M. P a de la difficulté à aller à la selle depuis une semaine. J’ajuste les doses d’insuline de Mme R et je faxe le nouveau protocole à la résidence. Je prescris des laxatifs pour M. P pour assurer l’administration par le personnel de la résidence.

D’autres paniers à vérifier.

Un monsieur se présente avec une ordonnance d’antibiotique pour une infection urinaire. Il s’agit d’un patient schizophrène traité avec plusieurs antipsychotiques. L’antibiotique prescrit, en interagissant avec ses antipsychotiques, aurait pu engendrer une toxicité potentiellement mortelle chez ces derniers. Je contacte le prescripteur et on convient de changer l’antibiotique.

Le téléphone sonne : une dame me dit que son mari, récemment de retour d’un centre de convalescence touché par une éclosion de COVID-19, tousse et fait de la fièvre. Je vérifie qu’il n’ait pas de difficultés respiratoires ou d’autres signaux d’alarme, je leur rappelle les consignes d’isolement et je les dirige vers les ressources appropriées.

Une dizaine de paniers sont apparus entre-temps.

Une dame de 82 ans est de retour de l’hôpital où elle a reçu un nouveau diagnostic d’insuffisance cardiaque. Je prends le temps de l’aider à mieux comprendre la maladie et en quoi consistent ses nouveaux médicaments. Il s’agit d’une patiente que je suivais déjà pour sa basse pression et son insuffisance rénale chronique. Les trois nouveaux médicaments qu’on lui a prescrits vont certes aider pour sa nouvelle pathologie, mais ils ont tous le potentiel de diminuer davantage sa pression et d’affecter ses reins. Je lui prescris une prise de sang à faire dans une semaine et je planifie un suivi de sa pression.

D’innombrables paniers, appels de médecins, conseils téléphoniques et interventions s’ensuivent…

La pharmacie ferme ses portes. J’ai enfin le temps d’écrire des notes plus complètes aux dossiers et d’envoyer des communications par fax à d’autres professionnels.

Je rappelle une patiente que je n’avais pas réussi à joindre plus tôt dans la journée. Elle est très inquiète, car son cycle de chimiothérapie a été interrompu à l’hôpital en raison de la pandémie et elle va entreprendre un traitement en comprimés. J’écoute ses préoccupations et je la conseille au sujet de son nouveau traitement. Elle me remercie. Elle ne sait pas ce qu’elle aurait fait sans nous, les professionnels en première ligne.

Je désinfecte mon poste, j’enlève ma visière, mon masque et mes gants. Ça fait du bien.

Mon dimanche typique reflète le dimanche typique des milliers de pharmaciens au Québec, qui sont là pour leurs patients.

On assure l’approvisionnement en médicaments à la population, on soutient le personnel des résidences pour aînés, on conseille, on trie et on réfère gratuitement, on accompagne nos patients vulnérables, on sauve des vies lorsque possible. On désengorge le système de santé. On vous évite des visites aux urgences alors que les urgences sont la dernière place où vous souhaitez vous retrouver en ce moment.

Votre pharmacien EST un professionnel de la santé, accessible et compétent. Votre pharmacien est là pour vous !

> Qu’en pensez-vous ? Exprimez votre opinion

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion