Si on s’indigne, avec raison, de découvrir la négligence crasse subie par des aînés dans certaines résidences privées – le CHSLD Herron n’est probablement que la pointe de l’iceberg –, on aurait tort de croire qu’il s’agit d’exemples isolés.

Ces dénis de soins – dénis de droit – se produisent malheureusement trop souvent, à même le domicile de personnes en situation de handicap, invisibilisées par une triste combinaison de sous-représentation sociale et de mépris politique.

Pourtant, ce qui est intolérable en institution devrait l’être autant à domicile. Dans le très relatif confort de leur foyer, elles sont susceptibles de subir de la maltraitance, qui n’est pas sans rappeler celle dont nous avons collectivement pris connaissance avec horreur il y a quelques jours.

Indignés, donc, de savoir que plusieurs résidants de ces « milieux de vie » ont passé d’intolérables heures avec des fournitures d’incontinence souillées, que leur intégrité physique et psychologique a été bafouée parce qu’on leur refusait des mesures d’hygiène élémentaires ou une alimentation suffisante ? Que certains d’entre eux ont été cloués au lit, faute de personnel pour les lever ?

C’est le sort auquel le gouvernement condamne de nombreuses personnes en situation de handicap s’il n’améliore pas substantiellement les conditions de travail des préposées du chèque emploi-service (CES).

Le CES est un programme permettant à une personne d’obtenir des services à domicile grâce à l’embauche de préposées par contrat de gré à gré. Historiquement, il a été le maillon faible du continuum de soutien à domicile au Québec.

Avant la crise de la COVID-19, les travailleuses du CES étaient déjà parmi les moins bien payées du secteur de la santé et leur embauche et leur rétention étaient extrêmement difficiles. Au cours des dernières semaines, le gouvernement a multiplié les annonces afin de rendre les emplois dans les établissements publics et privés de santé plus attrayants, mais rien, absolument rien, n’a été offert aux 21 958 employées du CES qui effectuent pourtant les mêmes tâches auprès des mêmes clientèles, mais à domicile.

À défaut de rémunérer et de valoriser adéquatement le travail de ces préposées, il y a tout lieu de croire qu’elles abandonneront en masse le CES au profit de postes équivalents dans le réseau public, les agences de placements ou les résidences privées. Les conséquences seraient alors désastreuses pour les personnes en situation de handicap qui les embauchent pour des tâches aussi vitales que l’aide aux levées ou à l’alimentation.

Le drame du CHSLD Herron et des autres milieux de vie institutionnels négligés, c’est donc le drame qui guette les 12 632 personnes qui reçoivent leurs services à domicile par l’entremise du CES si le gouvernement ne corrige pas rapidement cette iniquité.

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