De toutes les choses que j’apprends de l’épreuve actuelle, c’est la découverte de notre vulnérabilité qui me frappe le plus.

Je n’ignorais pas que nous pouvions tomber malades ou que les guerres font des ravages. Mais le choc de la pandémie actuelle est frappant au Québec, coin du monde depuis longtemps à l’abri des tragédies – pour la plupart d’entre nous du moins. Le fait est que bien d’autres peuples ont subi ces pandémies.

Tomber de haut

Quand je vois les entreprises s’effondrer, des gens perdre leur commerce, leur clientèle, leur emploi, ça me fait un coup au cœur, comme de voir dégringoler quelqu’un d’une falaise et à qui je ne peux pas venir en aide. C’est affolant.

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« Trouant sans aucune conscience le filet social qui a été si long à tisser et à solidifier, des choix politiques ont affaibli la capacité de se protéger les uns les autres », constate l’auteure.

Comme vous, je n’ai aucune idée de ce à quoi va ressembler le monde de demain, de quoi seront faits les prochains mois, les prochaines semaines, ni même les prochains jours. Des gens proches sont à risque, inquiets, et on peine à les rassurer.

Richesse et privilèges

Mais tirons quelques leçons de l’expérience que nous vivons. La première : nous sommes privilégiés quand on a de quoi se laver, se chauffer, s’abriter, se nourrir. Quand on nous demande de nous laver les mains, de prendre de la distance, de rester chez soi, on réalise que cette protection minimum n’est pas donnée à tous. Autour du monde, et au Canada, beaucoup n’ont ni eau courante ni espace ni maison.

Les autres anges gardiens

Nous sommes aussi privilégiés sans le savoir quand on a un gouvernement qui a le sens de l’État, une chose que le Québec et le monde sont en train de redécouvrir : l’actualité nous rappelle que nous ne sommes rien tout seuls, que c’est unis que nous pouvons survivre.

Nous sommes privilégiés quand on peut compter sur des politiques publiques, sur des institutions qui nous soutiennent, tel qu’elles le démontrent avec éclat en ces jours éprouvants.

Bravo à celles et ceux qui les défendent, ces institutions, parce que depuis longtemps, il faut le faire contre les vents contraires. Ces personnes qui défendent les services publics depuis des années sont aussi nos « anges gardiens », mais vous ne trouverez pas grand monde pour les remercier.

Passer le temps

Nous sommes aussi privilégiés quand nous avons le loisir de pouvoir lire, jouer de la musique, dessiner, cuisiner, regarder des films ou des séries, « passer le temps ». Que nous avons l’électricité, l’internet, les savoirs et la connaissance pour profiter d’initiatives de créateurs et d’artistes, que nous avons des amis et la capacité de leur parler quand même, aussi virtuelles soient ces réunions impromptues. En dépit des difficultés, nous réalisons que nous possédons beaucoup de ressources, de capacités. Tout le monde n’a pas cette chance.

Prendre soin du collectif

La deuxième leçon de cette époque, c’est que nous découvrons à grande échelle combien prendre soin du monde est au centre de notre survie. Soin de ses proches, de ses voisins, de soi-même, mais aussi du collectif. Et c’est là que nous avons été plutôt nuls en ce début de XXIsiècle. Trouant sans aucune conscience le filet social qui a été si long à tisser et à solidifier, des choix politiques ont affaibli la capacité de se protéger les uns les autres. En encourageant l’individualisme, la course au profit, l’évasion fiscale privant les gouvernements de milliards de dollars (un déficit zéro sur le dos du système de santé, au lieu de courir après les fraudeurs fiscaux, par exemple), les plus vulnérables se retrouvent démunis.

La science et le 1 %

Et voilà que la science nous mobilise : en prenant soin des autres, semble-t-elle nous dire, vous prenez soin de vous. Il serait peut-être temps, alors, de réfléchir aux facteurs qui créent les inégalités sociales et à revoir nos priorités. À commencer par la valeur du travail de toutes celles et ceux qui soignent, nettoient, rassurent, éduquent et qui sont parmi les moins bien payés voire pas payés du tout (c’est ça, le travail invisible) dans notre société.

Toutes les catégories d’emploi mal rémunérées, souvent non syndiquées, sont les mêmes qui ont servi à la productivité effrénée qui enrichit le 1 % du monde. Serons-nous capables de reconnaître ce que nous leur devons ?

C’est la troisième leçon. Travailler à son unique intérêt n’est pas la voie à suivre, comme nous le rappellent depuis longtemps tant de personnes engagées à défendre l’intérêt collectif.

Dommage qu’il faille cette pandémie pour en prendre toute la mesure.

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