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Vendredi matin. Il pleuvait. Ça faisait longtemps que je n’avais pas prêté attention au son de la pluie. De longues minutes à écouter, dans le silence. Apprivoiser mes pensées aussi. Par survie. Au loin, le cri des corneilles. Comme tous les printemps. Elles se lèvent tôt. Sait-on d’ailleurs où elles dorment ? Parce que j’ai très envie d’aller les réveiller !

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« Ce sont les corneilles qui sont les premières à le rappeler. Le printemps va s’installer », écrit Marc Séguin.

La maison dort. Le temps est doux. La fenêtre était ouverte cette nuit. Il reste quelques centaines de gallons d’eau d’érable à bouillir. Après, la météo des sucres semble faire une pause quelques jours, à cause du froid qui revient. Dans les chaudières, des papillons (qu’on appelle à tort des « mannes ») annoncent déjà la fin.

On sait que le temps des sucres achève quand on retrouve des mannes dans presque toutes les chaudières. Elles ne bougent plus. Elles flottent. Noyées.

Un jour, pour un projet d’art avec ces insectes, j’en avais ramassé plusieurs. C’était la veille et je les avais mises sur un linge à vaisselle pour les éponger. Le lendemain, il n’en restait plus qu’une. Envolées, les autres. Ne pas se fier aux apparences, je m’étais dit.

Depuis, avant de transvider l’eau des chaudières, je prends le temps de les enlever et de les déposer sur une souche ou une pierre au sol. Rien de magique, on s’entend, mais elles survivront et c’est assez pour y penser. Ça fera ça à dire à saint Pierre, s’il est toujours vivant ; on plaide sa cause comme on peut ! Pas tant de choses à faire pardonner, mais sait-on jamais. Ou pour une autre idée d’éternité qui empoisonne nos vies ! ! ! Et, je me suis dit, entre toutes les choses invisibles qui contrôlent nos vies ; une de plus, une de moins, au volume on risque d’avoir raison quelque part. Ce sera ça de pris.

La neige qui recouvrait le potager disparaît un peu plus chaque jour. Tout l’hiver, j’ai soufflé la neige dessus.

Il y en a plus épais que partout ailleurs sur le terrain. Comme une grosse douillette. Mais là, ça commence à ressembler à une courtepointe usée. Hier, me suis dit : ah, c’est vrai, va falloir y penser. Ce sont les corneilles qui sont les premières à le rappeler. Le printemps va s’installer, qu’on le veuille ou pas. Pour conjurer le sort, j’ai commandé les semences. Oignons, pois, laitues, carottes, concombres. Me suis mis à rêver un peu. J’ai très hâte aux tomates et au maïs cette année.

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