La pandémie du coronavirus ne fait que commencer et elle va ébranler les économies occidentales pour longtemps.

Lorsqu’elle aura déployé toute sa malfaisance, elle fera aussi peser des menaces sur la stabilité des États fragiles et la paix mondiale. L’ONU, dont quelque 100 000 Casques bleus provenant de 130 pays sont déployés sur 12 territoires, doit réagir tant sur le plan normatif que sur le terrain afin que son action ne propage pas le virus et que l’ensemble de la communauté internationale adopte les mêmes pratiques face à cette pandémie.

L’ONU s’est longtemps contentée d’intervenir dans les conflits classiques entre les États et a montré dans plusieurs cas ses compétences à les régler par la voie de la négociation, du désarmement et de la reconstruction.

Cette définition classique de son mandat a fortement évolué depuis une vingtaine d’années. En juillet 2000, le Conseil de sécurité a levé un tabou en adoptant une résolution sur la question du VIH-sida dans le cadre de ses opérations de paix. 

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« Le Canada, qui cherche à se faire élire au Conseil dans les prochaines semaines, pourrait prendre l’initiative et proposer aux membres du Conseil une série de mesures à caractère obligatoire », écrit Jocelyn Coulon.

Pour la première fois, le Conseil établissait un lien entre la propagation de l’épidémie du sida et les nouvelles menaces qui pèsent sur la sécurité. Cette première intervention visant à juguler le mal avait pour but d’obliger les États contributeurs de Casques bleus à adopter des stratégies de formation, de prévention et de dépistage pour que leur personnel ne devienne pas vecteur de la maladie dans les pays où il était déployé.

L’adoption de cette résolution découlait du constat que la diffusion de maladies infectieuses sur un territoire en guerre où les structures étatiques, médicales et sociales sont fragiles peut contribuer à exacerber les conflits et à rendre leur résolution plus difficile.

La crise du coronavirus nous interpelle, car elle dépasse le cadre des seuls territoires en guerre. « La circulation plus rapide et plus facile des personnes et des biens a facilité non seulement la propagation des maladies infectieuses, mais aussi leur émergence et réémergence [un peu partout] », rappelait il y a quatre ans dans la Revue de droit de l’Université de Sherbrooke le juriste Vinc D. Okila.

Cela fut particulièrement vrai pour des crises sanitaires transfrontalières comme ce fut le cas du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, des flambées de grippe H1N1 en 2009, de l’épidémie de choléra en Haïti en 2010 et plus récemment de celle de la fièvre hémorragique Ebola en 2014 en Afrique. Certaines de ces pandémies étaient à ce point graves que l’une d’entre elles, l’Ebola, a été qualifiée pour la première fois dans l’histoire de l’ONU de « menace contre la paix et la sécurité internationales » par le Conseil.

Dès lors, écrit le juriste, ces maladies « ne peuvent plus être exclusivement traitées par des États dans leurs actions individuelles, mais doivent plutôt l’être par la communauté internationale dans son action collective ». À voir la façon dont les États réagissent actuellement face au coronavirus, on se demande s’ils n’ont pas oublié ce conseil.

D’où l’intérêt de passer par le Conseil. Il est le forum tout indiqué pour donner un cadre politique et juridique à l’action internationale contre les pandémies.

Il est doté du pouvoir de contraindre unilatéralement les membres de la communauté internationale à faire des actions sous peine de sanction.

Bien entendu, le Conseil ne peut à lui seul coordonner la lutte contre le coronavirus ou toute autre pandémie, mais il peut jouer un rôle de catalyseur de fonds en situation de crise. Les précédents historiques ont montré que chaque fois que le Conseil a été saisi d’une question semblable, cela a braqué les projecteurs sur une situation et permis d’augmenter les sommes destinées à l’aide.

Véritable menace

Contrairement au sida ou au paludisme, le coronavirus finira par disparaître. Mais entre-temps, il a lui aussi le potentiel de devenir une menace à la paix et à la sécurité internationales. Il est donc nécessaire que le Conseil se réunisse afin d’envoyer un message clair à l’ensemble des 193 États membres de l’ONU sur sa dangerosité et sur les moyens à prendre afin de le combattre. 

L’adoption d’un cadre normatif obligatoire forcera les États à agir et poussera ceux qui participent aux opérations de paix à prendre des précautions afin que, sur le terrain, leurs Casques bleus ne nuisent pas aux populations locales.

Mais avec la pandémie du coronavirus, il faut dépasser le cadre d’une action dans les seuls pays en conflit et susciter un électrochoc, car c’est l’humanité entière qui est touchée.

Déjà, il y a 15 ans, Kofi Annan, dans un rapport sur la paix, le développement et les droits de la personne, affirmait que les maladies infectieuses devaient faire l’objet de la même riposte que le terrorisme. Au lendemain des attentats du 11-Septembre, le Conseil s’est érigé en véritable législateur, obligeant les États à modifier certaines de leurs lois. Avec le coronavirus, il appartient aux États membres de l’ONU de saisir le Conseil pour qu’il se montre aussi proactif.

Le Canada, qui cherche à se faire élire au Conseil dans les prochaines semaines, pourrait prendre l’initiative et proposer aux membres du Conseil une série de mesures à caractère obligatoire non seulement dans le cadre des opérations de paix, mais aussi pour l’ensemble de la communauté internationale. Ce serait une contribution aussi remarquable que bienvenue.

* L’auteur publiera en mai un livre sur le Conseil de sécurité aux Presses de l’Université de Montréal

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