Ce sera leur plus grand handicap, il me semble : ne pas avoir de génie !

Pas autant que Polanski, en tout cas. Et comme on le dit si bien pour le golf, le handicap de parcours, lui, sera réel et souvent difficilement réformable.

Parlez-en à Muriel Salmona, psychiatre psychotraumatologue et présidente de l’Association mémoire traumatique et victimologie, qui lutte contre toutes les violences en France. Pour elle, l’imprescriptibilité n’a aucun sens. Parce qu’il y a des preuves non effacées (Matzneff les a lui-même fabriquées !) Parce qu’il est fort possible que des témoins n’aient jamais parlé ?

Combien savaient pour Claude Jutra ? Combien ont parlé, même lorsque tout a été dénoncé ? Jean, une victime dès l’âge de 6 ans, a gardé l’anonymat. Il a refusé, avec raison, le procès public. 

Parce qu’à mon avis, on déteste les victimes « sans génie » qui dénoncent un prétendu « génie ».

Mais pour Polanski, c’est de son prétendu procès public dont on parle. On parle même de lynchage ! Alors que des femmes, surtout, manifestent pour que de véritables procès soient institués ! Comment parler de justice quand le procès est impossible ? Parce que la justice actuelle est ainsi faite ?

Des femmes manifestent contre la présomption d’innocence, qui relaie dans l’ombre très épaisse les plaignantes « sans génie » et leur crédibilité. Car cela « n’a jamais supposé pour exister une présomption de non-crédibilité des victimes, la présomption d’innocence est une règle qui n’a de sens que dans la sphère de l’enquête et du procès pénal », disent des avocates chez Dalloz actualité. Alors, cessons de vouloir censurer les manifestations contre l’impunité !

D’autant plus que la justice prévoit un mécanisme de réparation si une personne est injustement accusée. Manifester n’est pas accuser. Surtout lorsque le sujet est politique comme la violence faite aux femmes. Ce n’est pas pour rien qu’on a déclaré dans les années 70 que le privé est politique. Parce qu’il fallait briser l’inaccessibilité des criminels qui violaient, incestuaient, violentaient leurs conjointes, leurs enfants, leurs nièces, les filles de leurs amis…

On a brisé l’omerta de l’intimité familiale. J’en appelle aujourd’hui à briser l’omerta des prétendus « génies », ces intouchables !

Comme le dit si bien Blanche Gardin, humoriste française concernant la défense irrécusable des « artistes » : « Et c’est bizarre d’ailleurs que cette indulgence ne s’applique seulement qu’aux artistes. On ne dit pas par exemple : Ah ! Le boulanger, oui d’accord, c’est vrai, il viole un peu des gosses dans le fournil, mais bon, il fait une baguette extraordinaire ! »

Je ne mangerai pas de ce pain ! Je n’ai pas le temps ni le goût de voir J’accuse. Pendant que les plaignantes léchaient leurs plaies, on subventionnait à grands coups d’argent un homme qu’on a ensuite porté aux nues. On a forgé un « génie ». Une statue bien vissée, bien coincée qui nargue la statue de la Liberté !

On s’en prend à Foresti, Haenel, Slimani, Sciamma et combien de femmes artistes, journalistes, écrivaines ? Aux femmes qui n’acceptent pas le couronnement de Polanski, parce qu’on considère que le socle du monument est érigé sur la tête et le cœur de ses plaignantes. En oubliant que la justice était allée se faire voir le jour où le « génie » de Polanski était à l’œuvre du recrutement des actrices, qu’il allait propulser ces dernières n’ont pas aux Césars, mais dans une sorte de mauvais polar jamais résolu.

Les « avides de liberté » qui geignent pour voir J’accuse n’ont aucune considération pour les plaignantes qui ont vu leur « J’accuse » tomber dans la mare aux crapauds !

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