Peut-être faut-il continuer de se fier et de faire confiance à la science quand on rapporte que le COVID-19 est un truc dangereux, mais il y a surtout, pour l’instant, un sentiment de paranoïa.

Signe des temps ? Manque de tragédie – je ne minimise pas les victimes ici –, mais ça semble un peu intense comme névrose, non ? Ça et plusieurs autres choses.

Les accidents de la route causent 3700 morts quotidiennement dans le monde. Chaque jour. Soit on vit dans un climat de méfiance exagéré des autres, soit on ne nous dit pas toute la vérité.

On respire et on va jouer dehors, donc, pour faire passer les tourments.

Le soleil s’est pointé, avec sa chaleur, et les érables se sont mis à couler la semaine dernière. Tout était entaillé et il y a déjà du sirop de fait. Une saison qui commence dans la moyenne. C’est rassurant, non ? Pour Greta et l’écoanxiété, je veux dire. Ce n’est pas encore l’apocalypse de la Terre. On trouve de belles nouvelles quand on cherche un peu. Et le virus fait un peu de bien à l’angoisse mondiale de vivre tout d’un coup, parce que ça déplace le mal.

Paraît que le sirop d’érable a été découvert par les autochtones. C’est ce que les enfants apprennent à la petite école. Je rappelle que j’ai quatre enfants qui sont passés par un système scolaire public qui enseigne l’histoire des Premières Nations avec pas mal de profondeur. Évidemment, on ne leur apprend pas les différentes langues comme on enseigne l’anglais, mais le cursus explique bien les nations présentes et leurs origines sur le territoire depuis la conquête anglaise.

Ce qu’il y a de bien avec le temps des sucres ou toute activité à bonne distance d’un écran, c’est l’effet « relatif » des choses. Vous faites quoi, vous, quand les barrières s’abaissent et que les feux rouges résonnent et qu’un ding ! ding ! ding ! se fait entendre ?

J’ai été surpris, en survolant les actualités la semaine dernière, de constater que les gens s’étonnaient que le premier ministre Legault ait « dévoilé » la présence d’armes d’assaut sur le territoire d’une communauté des Premières Nations.

La surprise ne semblait pas venir de l’existence des armes prohibées, mais bien du dévoilement. Peut-être y a-t-il aussi des chalumeaux et des chaudières à érables dans les réserves, mais ça ne fait pas les nouvelles. Les armes, oui. Surtout quand un gros lobby de bonne conscience s’affaire à les faire bannir partout. Partout ? Vraiment ?

Oh, la patate chaude ! On ne sait plus ce qu’il est possible de dire ou de ne pas dire sur les autochtones. Et ça crée un malaise. Un malaise qui dure depuis des décennies.

On vit pourtant dans un État de droit. Un droit maladroitement anesthésié selon la douleur qu’on y associe. Sur une idée de bonne foi. Moi, quand le train passe, j’arrête mon char et je respecte le passage.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, REUTERS

Manifestants en appui à la nation wet’suwet’en, lundi dernier à Montréal

Est-ce que quelqu’un, un jour, réussira à nommer et dire le trouble irraisonné d’un pays à ne pas savoir quoi faire ni que dire de ses « Indiens » ?

Comment peut-on permettre et admettre les barricades dans un État de droit ? N’importe quel citoyen « ordinaire » serait passible d’une poursuite.

Comprenez bien ici mon malaise. Il n’a rien à voir avec les Premières Nations, leur identité ou leurs revendications. Pas besoin de me lyncher ou d’envoyer des lettres de bêtises en racontant le passé. On est ailleurs.

Ça me fait du bien de les voir se lever et se tenir debout. D’entretenir des idéaux différents de notre obsession économique et de paralyser notre système en campant sur des rails. Ça dénote la fragilité de notre monde. Pour le vrai. Et si j’avais du sang indien, je serais le premier à désobéir socialement.

Mais je serais aussi conscient, et c’est là que ça inquiète solide, qu’au-delà des gestes et des actions spectaculaires telles que celles qu’on a vu ces dernières semaines, qu’au-delà des idéaux et des beaux discours, il y a aussi le silence et les chuchotements des gens « ordinaires ». Un silence qui construit et entretient une rage. De part et d’autre, doit-on maintenant comprendre. Loin de la réconciliation publique annoncée du premier ministre du Canada. On a beau ramer de toutes nos forces, un canot ne peut pas remonter une chute. Pas besoin d’être né dans le bois pour comprendre ; faut faire du portage. Et là, on manque de plus en plus de volontaires pour aller au pow-wow.

Justin Trudeau s’est pris dans son piège. Je ne voudrais pas être à sa place, parce que c’est un drame cornélien dans lequel il faudra un jour prendre une position au détriment d’une autre. Suggestion en attendant : le calumet de la paix ? (Je souris ici).

Sans rire : est-ce que cette relation pourra un jour se résoudre ? Parce que l’effet pendule, surtout dans son silence, est à redouter. Et ça va nous rattraper plus tôt que tard.

Dans l’attente d’une magie contemporaine ou d’un chaman, parfois, il y a heureusement un virus qui monopolise l’évitement des questions profondes et séculaires. Et qui fait dévier les flèches de leurs cibles, malheureusement, et qui arrête les trains.

Je retourne aux érables ; c’est plus simple par les temps qui courent.

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