Lundi le 2 février 2020, 246 professeurs de collèges et universités canadiens, dont 98 du Québec, ont signé conjointement une lettre ouverte dans laquelle ils réclament que leurs institutions retirent leurs investissements du secteur des énergies fossiles, principales sources des gaz à effet de serre (GES) conduisant au réchauffement climatique.

Cette orientation a déjà été adoptée par l’Université Laval et l’Université de la Colombie-Britannique. L’objectif visé est la réduction des émissions de GES et l’instrument proposé pour le réaliser est le désinvestissement dans les énergies fossiles par les fondations universitaires et par les caisses de retraite de leurs employés. Est-ce que l’instrument est approprié pour atteindre l’objectif recherché ? Comme le montrent les lignes qui suivent, ce n’est malheureusement pas le cas.

Selon BP Statistical Review of World Energy, 84,7 % de la consommation d’énergie primaire à l’échelle mondiale provenait des énergies fossiles en 2018 et le résidu de 15,3 % était fourni, selon un ordre décroissant, par le nucléaire, l’hydroélectricité et les énergies renouvelables. La part du pétrole dans les énergies fossiles était de 39,7 %, celle du charbon de 32,1 % et celle du gaz naturel de 28,2 %. De plus, la consommation d’énergie primaire a crû au rythme annuel de 1,5 % au cours de la dernière décennie. Ces chiffres montrent bien l’ampleur de la tâche à accomplir pour diminuer les émissions de GES.

Une stratégie inefficace

La stratégie proposée par les cosignataires de la lettre est de réduire l’accès au capital provenant des fonds de placement pour les producteurs d’énergie fossile. Cet accès limité devrait accroître les coûts de production qui se refléteraient dans les prix payés par les consommateurs ; ces derniers seraient incités par les prix plus élevés à en réduire l’usage ou à se tourner vers des formes d’énergie faibles ou neutres en carbone.

Quelle est l’efficacité attendue d’une telle stratégie ? Considérons le pétrole dont dépendent encore presque totalement tous les modes de transport, à savoir automobiles, avions, trains et navires. Les cosignataires de la lettre invitent leurs institutions à se départir des titres financiers des géants mondiaux comme Exxon Mobil, BP, Shell, Total ou d’entreprises canadiennes comme Canadian Natural Resources, SUNCOR et Cenovus. Cependant, ces géants privés sont devancés par des entreprises d’État au chapitre de la production pétrolière. En 2018, les pays membres de l’Organisation des Pays exportateurs de Pétrole (OPEP) ont fourni 41,5 % de la production mondiale et les entreprises des états non membres de l’OPEP comme la Russie, la Chine, le Mexique et le Brésil ont fourni 21,1 %.

Les entreprises d’État de ces pays membres et non membres de l’OPEP ne vendent pas d’actions pour se financer. La stratégie proposée par les cosignataires les avantagerait donc par rapport à leurs concurrents privés.

Il s’en suivrait une augmentation du pouvoir de marché de l’OPEP et de ses alliés, une hausse possiblement chaotique du prix mondial du pétrole et un énorme transfert de richesse au profit des pays où la production pétrolière repose sur des sociétés d’État, comme c’est le cas pour les pays membres de L’OPEP.

La stratégie de pénaliser les producteurs privés de pétrole pour réduire les émissions de GES est inefficace et détourne l’attention de la véritable cause des émissions de GES qui est la demande de services fournis par les énergies fossiles : les producteurs d’énergies fossiles existent parce qu’il y a une demande pour leurs produits. Pour baisser les émissions de GES, il faut soit réduire cette demande, soit la satisfaire en s’appuyant sur des sources d’énergie faibles ou neutres en carbone.

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