S’il y a une chose sur laquelle je dois donner raison à Gabrielle Bouchard malgré sa personnalité très clivante, c’est qu’il y a encore trop de monstres dominateurs dans nos sociétés qui pensent qu’avoir des testicules donne le droit d’écraser et même d’anéantir ceux qui n’en ont pas. Il est tout aussi pertinent de sa part d’affirmer que la très grande majorité de ces horribles histoires qui défrayent la chronique sont le fait de gars hétéros possessifs qui confondent partager sa vie avec une femme et posséder une femelle. 

Cela étant dit, je crois aussi qu’à la place de ses bombardements sans nuance qui décrédibilisent toujours plus l’organisation qu’elle dirige, la présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) devrait apprendre à faire des frappes chirurgicales, car sa façon de promouvoir la tolérance par l’exclusion fait beaucoup de dommages. Elle crée de la fermeture jusque dans le cœur de ceux à qui on doit l’évolution de la société qui, sans être parfaite, permet aujourd’hui à tous de s’exprimer et vivre librement sa différence sexuelle au Québec.

En réponse à sa dernière provocation, qui a fait encore couler beaucoup d’encre, je vais vous parler du chromosome Y. En effet, j’ai une très bonne nouvelle pour Gabrielle Bouchard. Je veux lui dire de patienter, car son vœu sera exaucé si on en croit les travaux de la généticienne australienne Jenny Grave. Depuis plus d’une décennie, cette scientifique nous prédit la disparition du chromosome Y porteur du gène (SRY) qui détermine la masculinité gonadique. En cause, dit la scientifique, en 125 millions d’années, le chromosome Y a perdu beaucoup de gènes et n’en affiche plus que quelques dizaines alors que le X en possède un peu plus d’un millier.

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Selon la scientifique Jenny Grave, « en 125 millions d’années, le chromosome Y a perdu beaucoup de gènes et n’en affiche plus que quelques dizaines », écrit Boucar Diouf.

La respectable chercheuse, qui a maintenant 79 ans, pousse même l’humiliation jusqu’à qualifier notre chromosome Y de « pathétique moignon ».

Condamné par l’évolution, lorsque notre adoré chromosome lépreux disparaîtra, le mâle tel que nous le connaissons aujourd’hui ne sera peut-être plus qu’un lointain souvenir. La nature devra alors inventer un autre chemin pour la détermination du sexe que les traditionnelles combinaisons XX pour les femelles et XY pour les mâles.

Évidemment, une certaine frange très militante du mouvement féministe a beaucoup aimé cette condamnation avec sursis de la masculinité par la science. Cela, malgré les travaux d’autres généticiens rapportant que les porteurs de couilles n’ont rien à craindre, car même si le chromosome Y a connu des heures sombres dans un lointain passé, il est stable depuis 25 millions d’années. Comme on pouvait s’y attendre, les conclusions de Jenny Grave sont devenues un outil de propagande. Reprise par des activistes, l’hypothèse de la disparition du chromosome Y sera présentée comme une chronique annoncée de la rédemption définitive et durable des femmes opprimées par le patriarcat.

Peut-être donc que la volonté de Gabrielle Bouchard d’abolir les relations hétérosexuelles sera un jour exaucée par la nature. Mais il lui faudra patienter, car selon la prophétie de Jenny Grave, la disparition du chromosome Y ne se fera pas avant 5 millions d’années. C’est vrai que c’est un peu interminable comme attente, mais dans l’échelle de l’évolution, 5 millions d’années, ce n’est pas très long.

Par contre, en attendant cet éventuel grand virage, il faut rappeler aux adeptes de ce militantisme provocateur qu’il y a des gains évolutifs à la reproduction sexuée et aux relations hétérosexuelles qui semblent les déranger.

Si la nature a misé sur la sexualité pour la perpétuation de la grande majorité des espèces animales et végétales, c’est parce qu’il y a des avantages à avoir deux parents différents.

Vue sous l’angle de la génétique, la reproduction sexuée est une succession de hasards qui aboutissent à un réarrangement des gènes provenant des deux partenaires en une combinaison exclusive à la descendance. Elle crédite chaque enfant d’un couple de particularités génétiques uniques qui le différencient de ses parents et de ses frères et sœurs.

Une hypothèse évolutionniste très populaire raconte que la reproduction sexuée nous donne des avantages dans ce que les biologistes qualifient de « course aux armements » : une guerre ouverte nous opposant continuellement à nos parasites qui cherchent à nous dominer. Entre les êtres vivants et leurs parasites, il y a en effet une course permanente aux armements où chaque camp doit affiner et augmenter sa force de frappe pour ne pas perdre le combat. À l’intérieur de cette arène biologique, la reproduction sexuée permet de produire une diversité génétique qui pourvoit parfois la descendance de nouvelles armes dont ne disposaient pas les parents, des munitions qui lui permettront donc de gagner là où les ancêtres avaient failli devant l’ennemi. En somme, si mon système immunitaire diffère du tien, nos enfants hériteront d’une troisième combinaison, ce qui peut avantager la survie de nos gènes. C’est de cette façon, par exemple, que dans un avenir moyen ou lointain naîtront peut-être de plus en plus d’humains résistants au coronavirus qui fait capoter la planète aujourd’hui.

Évidemment, au-delà de la reproduction, le sexe est aussi un puissant catalyseur de liens sociaux. L’amour bien vrai et naturel entre personnes de même sexe est là pour nous rappeler cet autre rôle de la sexualité que la simple transmission des gènes, si essentielle soit-elle, ne doit jamais faire oublier. Alors, à la place de la vasectomie à 18 ans ou de l’interdiction des relations hétérosexuelles, pourquoi ne pas simplement célébrer l’amour dans toute sa diversité et inculquer à nos enfants le respect, l’ouverture et la tolérance sans distinction d’appartenance ou d’orientation, Gabrielle ?

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