Une fois par mois, un camelot de L’Itinéraire se joint à Débats pour se raconter, critiquer, s’insurger. Aujourd’hui, nous vous présentons le témoignage de Jo Redwitch.

Nous, les camelots, arrivons à L’Itinéraire par des chemins différents, mais en général nous restons pour les mêmes raisons. Sortir de l’isolement, retrouver un certain équilibre de vie et, comme bien des gens, subvenir à nos besoins de base. Puis subtilement, on arrive à découvrir autre chose, à se découvrir de nouveaux horizons.

Les « qu’est-ce qu’ils vont dire ? » pleuvent à verse dans mon esprit, mais il faut que je dise ce qui doit être mis en lumière : un passé violent que je vis encore quotidiennement de par mon choc post-traumatique. La narration des épreuves traumatiques peut aider à guérir certaines blessures. C’est par l’écriture que j’ai témoigné de plusieurs parties de ma vie dans le magazine L’Itinéraire.

Chaque jour, je le revois assis sur moi, me frappant avec les paumes de ses grandes mains sur ma tête qui n’en finit plus de rebondir, mon fils qui arrive juste à temps pour lui sauter sur le dos, moi qui me tortille pour lui échapper, et finalement sortir de ses griffes.

J’entends encore mon mari crier : « La prochaine fois, je te tue ! »

Après avoir fui la maison familiale de Val-Paradis, à la Baie-James, j’ai séjourné dans une ressource pour femmes aux troubles multiples à Rouyn-Noranda. Avec le soutien du CAVAC (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels), celui de psychiatres et de médecins compétents, je suis parvenue à ne pas me suicider. Je me demande encore comment mon fils et moi avons pu survivre après les horreurs que nous avons subies. Évidemment, sans en sortir indemnes.

Reviviscence

J’ai dû subir une opération au dos, après laquelle j’ai cru, l’espace d’un moment, que mon cauchemar était enfin terminé et que tout reviendrait comme avant. Eh bien non ! Je ne voyais pas encore véritablement l’impact que ce choc causerait sur le long terme. Mes reviviscences étaient toujours aussi pénibles et présentes. Je les appelle mes photos-images.

Les séquelles psychologiques et les douleurs chroniques sont trop présentes quotidiennement pour que je puisse retourner vers un travail dit conventionnel.

C’est pourquoi avec L’Itinéraire, qui aide les gens exclus de la société et ceux parfois exclus d’une vie professionnelle, j’ai pu reprendre une certaine maîtrise de ma vie. J’y ai trouvé ma place.

Malgré les améliorations, vivre avec ce passé, c’est encore aujourd’hui comme vivre avec des fantômes. Les miens sont nombreux. Il y a l’adolescente violée, la travailleuse du sexe, la cocaïnomane, l’alcoolique, la dépressive et, pour finir, la nouvelle femme, celle qui vit avec un choc post-traumatique sévère et un corps brisé par les coups d’un mari violent.

Il ne m’est pas coutume d’étaler sur la place publique ce genre de choses, mais certaines femmes comme Ingrid Falaise m’en ont donné la force, ainsi que toutes celles qui ont décidé de dénoncer au lieu de se la fermer. Le fameux #metoo a tout changé pour les femmes. Il est temps d’arrêter de se cacher et de rester seules avec nos secrets. Les relations d’emprise sont trop importantes pour les ignorer. Il serait temps d’en connaître davantage sur ce qui mène des femmes comme moi à s’y faire prendre.

Parfois, des événements particuliers qu’on a traversés nous mènent à répétition à ce genre d’homme, mais il n’y a aucun hasard là-dedans. Et j’ajouterais que de seulement sortir du milieu violent n’est pas suffisant.

Devenir meilleure

Je suis persuadée que certaines épreuves – même si elles sont indéniablement difficiles à traverser – sont placées sur notre chemin pour une raison très précise. Avec le temps, j’y vois plus clair, j’ai fait d’énormes prises de conscience, j’ai un message à passer, j’ai quelque chose à dire et je sais exactement où je vais.

Ça fait maintenant neuf ans que je suis abstinente de drogues.

Arrêter la consommation de drogue et d’alcool est une chose, mais vivre heureuse sans consommer en est une autre.

Avec le temps, et beaucoup de cheminement personnel, j’ai compris que les retombées de mes faux pas, engendrés par la consommation, ne se résorberaient pas facilement. Mes proches resteront marqués à jamais ; mes parents, mes deux frères, et le plus marqué, mon fils. En passant, j’ai repris contact avec mon fils durant le temps des Fêtes après 14 mois sans aucune nouvelle. Je me sens très chanceuse qu’il m’ait donné une seconde chance. J’ai même pu parler à ma petite-fille de 5 ans. Je me considère comme la grand-mère et la mère la plus chanceuse au monde. Finalement, tout est bien qui finit bien.

Heureusement pour moi que j’ai trouvé L’Itinéraire. On me donne une tribune qui me permet d’atteindre les personnes que j’aimerais sensibiliser à tout le bien que cet organisme peut faire.

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