C’est parti ! Ont débuté mercredi les audiences de la commission de l’Assemblée nationale sur le projet de loi 39 sur la réforme du mode de scrutin.

Elles se termineront dans deux semaines, le 6 février, où je soumettrai aux députés de la commission les raisons pour lesquelles un mode de scrutin proportionnel mixte avec compensation régionale constitue un piège dangereux pour le pouvoir du seul gouvernement contrôlé par une majorité francophone sur le continent, de même que pour le poids politique de cette dernière.

Profonde réingénierie démocratique

C’est le Mouvement Démocratie Nouvelle qui a ouvert le bal, le groupe à l’origine de l’entente CAQ-PQ-QS de mai 2018 qui a amené le gouvernement Legault à déposer le projet de loi. Sur invitation des partis politiques, 36 citoyens et organismes comparaîtront devant la commission, ne ménageant pas souvent leurs critiques à l’égard d’un projet gouvernemental qui n’est pas assez proportionnel à leur goût.

Une simulation gouvernementale montrait pourtant que, même avec cette proportionnelle amoindrie, la CAQ n’aurait pas été élue majoritairement l’an dernier, avec les conséquences que cela aurait sur la capacité du gouvernement Legault à faire adopter des lois controversées comme celle sur la laïcité.

La très corporatiste et très peu démocratique Coalition pour la réforme électorale maintenant, qui regroupe 70 organismes et réseaux de la société civile prétendant représenter plus de 2 millions de Québécois (vraiment ?), soutient qu’on n’a pas besoin de référendum pour changer quelque chose d’aussi fondamental que notre mode de scrutin.

D’autres intervenants demanderont l’adoption de mesures pour imposer la parité hommes-femmes, la représentation des minorités ethnoculturelles et racisées, la réforme du mode de scrutin n’étant à leurs yeux que la première étape d’une réingénierie supposément progressiste de notre société.

Fossoyeurs du pouvoir québécois

Michel David leur recommandait dans Le Devoir cette semaine de réprimer leur frustration, l’essentiel à ce stade étant de passer à un scrutin proportionnel qu’il sera aisé de perfectionner par la suite « de la même façon qu’on révise périodiquement la carte électorale ».

C’est le piège qui est tendu par les fossoyeurs du pouvoir québécois, comme je l’expliquerai dans deux semaines. Car au-delà des vertueux lieux communs que les députés de la commission entendront, la réalité se situe ailleurs.

Cette réalité, c’est tout d’abord qu’aucun consensus n’existe vraiment dans cette affaire au sein d’une société québécoise dont les citoyens ont d’autres préoccupations qu’une réforme du mode de scrutin dont ils ne comprennent pas grand-chose même si on leur fait dire, par des sondages financés à même nos impôts, qu’ils sont pour la vertu, la justice et la proportionnelle.

La réalité, c’est que, sauf la ministre de la Justice Sonia LeBel et Québec solidaire, la classe politique québécoise ne sait plus comment se dépêtrer d’un dossier qu’elle sent instinctivement dangereux pour le pouvoir québécois.

La réalité, c’est qu’une majorité de nos élus sont contre le projet de loi.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

« Comment le PQ pourra-t-il appuyer une loi qu'un ou plusieurs des prétendants à sa direction désavouent ? », demande notre collaborateur.

Frédéric Bastien

L’essentiel a été rappelé cette semaine par l’historien Frédéric Bastien, probable prétendant à la direction péquiste, dont Mario Dumont rappelait qu’il avait fait davantage en matière de nationalisme en une semaine que tout le reste du PQ en une année, avec sa sortie contre la juge en chef de la Cour d’appel sur la loi sur la laïcité.

Le PQ a tout à perdre de l’entente de mai 2018. Or, quatre de ses députés sur neuf ont déjà exprimé des réserves à l’égard du projet, alors que le chef intérimaire Pascal Bérubé et le responsable du dossier Harold Lebel sont des élus régionaux dont on peut douter qu’ils soient enthousiastes pour ce funeste héritage de Jean-François Lisée.

Après l’accord sur la convergence avec QS, Frédéric Bastien souligne que cette autre entente de Jean-François Lisée sur le mode de scrutin profitera avant tout aux solidaires, tout en n’étant pas dans l’intérêt du Québec.

Dans un texte publié mardi dans Le Devoir (« Ne pas compromettre l’indépendance »), il demande donc au PQ de se retirer carrément de cette entente, estimant que « s’il n’y a pas de honte de se tromper, il est absurde de persister dans une erreur quand elle est devenue évidente ».

Rappelons que lors du dépôt du projet de loi sur la réforme, François Legault a spécifié qu’il fallait que l’entente CAQ-PQ-QS se maintienne pour que la loi soit adoptée. Sans appui du PQ, tout tombe.

Comment le PQ pourra-t-il appuyer une loi qu’un ou plusieurs des prétendants à sa direction désavouent ? Le parti a une chance de prouver que non seulement il existe encore, mais qu’il peut faire une différence dans un dossier crucial pour le pouvoir québécois.

Pendant ce temps, Frédéric Bastien attend toujours une réponse à sa demande de comparution devant une commission parlementaire qui préfère entendre 13 syndicats – 13 ! – radoter les mêmes discours…

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