On dit souvent que le Canada fait face à un déficit d’infrastructure, car les gouvernements n’ont pas suffisamment investi dans les transports en commun, les routes et les réseaux de distribution d’eau.

Mais le pays souffre également d’un déficit en matière d’infrastructures de services financiers. Il nous manque l’infrastructure et les politiques publiques qui permettraient aux consommateurs de contrôler, de déplacer et de partager, à leur gré, leurs données financières de manière sûre, efficace et efficiente.

Tout comme les systèmes physiques nécessaires au transport, l’infrastructure des services financiers améliore le bien-être national. Elle a le potentiel de procurer des bénéfices à tous les citoyens.

Pour ceux d’entre nous qui travaillent dans le secteur des services financiers et dans les fonctions de réglementation, d’élaboration des politiques et de défense des consommateurs, il est grandement temps de supprimer ce déficit d’infrastructure. Ce dernier génère des coûts inutiles pour les clients et leurs fournisseurs de services financiers, de l’opacité pour ceux qui fournissent des conseils financiers, et des obstacles à l’innovation.

La finance pour tous, que nos concitoyens anglophones connaissent sous le vocable d’open banking, c’est l’occasion rêvée de mettre à jour l’infrastructure financière du Canada. Déjà, cette approche connaît du succès partout dans le monde et comme 40 pays sont en train de développer leurs systèmes de finance pour tous, le Canada n’a plus une minute à perdre.

Où en est le Canada ?

Le gouvernement fédéral a d’abord déclaré son intérêt pour la finance pour tous, alors appelée « système bancaire ouvert », dans le budget de 2018. Cet intérêt a été réaffirmé dans le budget 2019. Il y a quelques mois, le Sénat a produit un rapport fouillé recommandant une action gouvernementale décisive. Parallèlement, le ministre des Finances a commandé un rapport à un comité consultatif d’experts dont nous espérons la publication au début de l’année.

Au-delà de ce processus, la finance pour tous a suscité un intérêt considérable de la part des défenseurs des consommateurs, des acteurs du secteur bancaire et des nouveaux acteurs des technologies financières qui en ont exploré les avantages et les risques.

Ceux qui ont réfléchi sérieusement au sujet sont d’avis que la finance pour tous favorisera la sécurité de l’information financière et permettra d’offrir plus de choix à moindre coût pour les Canadiens.

Étant donnée l’opinion largement répandue selon laquelle la finance pour tous serait une bonne idée, qu’est-ce qui nous retient d’avancer ? Une des raisons semble être le manque de volonté politique. Au fil de discussions récentes avec des élus, nous avons compris que, selon eux, les électeurs ne s’intéressent pas à la finance pour tous ; c’est ce manque d’intérêt qui freinerait les avancées relatives à cette question importante. Nous pensons pourtant qu’au fur et à mesure que les Canadiens en comprendront les avantages, il y aura des votes pour les décideurs politiques qui s’engagent à mettre en place la finance pour tous.

Dans les milieux bancaires, on débat de la priorité à donner à la finance pour tous par rapport à l’amélioration de la sécurité des données. C’est un faux débat, selon nous ; il n’y a pas d’autre option que d’aborder ces deux questions de front. Déjà, au jour le jour, les clients des banques montrent leur volonté d’accéder à leurs données financières d’une façon pratique.

Tant qu’il n’y aura pas de finance pour tous, les consommateurs partageront leurs mots de passe et l’accès à leurs comptes avec divers fournisseurs, ce qui les rendra vulnérables aux vols de données. C’est un choix qu’ils ne devraient pas avoir à faire.

Le développement d’une infrastructure de services financiers sécurisée, accessible à tous les participants dûment accrédités et assurant la sûreté de l’ensemble du système est la seule avenue disponible.

La mise en œuvre de la finance pour tous requiert du leadership de la part des gouvernements. Nous avons au Canada, et notamment au Québec, un secteur financier concentré où les actions volontaires des acteurs établis sont peu susceptibles de mener à des résultats optimaux. Notre secteur financier ressemble beaucoup plus à celui de l’Australie et de la Grande-Bretagne, où les gouvernements ont fait preuve de leadership, qu’à celui des États-Unis, où la finance pour tous évolue au gré des forces du marché. Aux États-Unis, nous constatons des tensions alors que de grands acteurs tentent d’utiliser leur position pour étouffer l’innovation et la concurrence dans le secteur.

Nous espérons que dans un an, nous pourrons jeter un regard sur 2020 et constater que le Canada a vraiment fait progresser son infrastructure de services financiers grâce à des mesures décisives en faveur de la finance pour tous.

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